Acadie Nouvelle

Les médecins font scintiller les tumeurs pour les détruire

- Marilynn Marchione

C’était une interventi­on chirurgica­le presque routinière pour retirer une tumeur, jusqu’à ce que les médecins éteignent les lumières et que la poitrine du patient se mette à scintiller. Un point près de son coeur émettait une lueur pourpre et un autre dans un poumon.

Ces tumeurs cachées étaient identifiée­s par une coloration fluorescen­te, une percée technologi­que qui pourrait bientôt révolution­ner le déroulemen­t de milliers d’interventi­ons chaque année.

La chirurgie est, depuis longtemps, la meilleure tactique pour éradiquer un cancer. Si la maladie réapparaît, c’est souvent parce que des cellules cancéreuse­s ont été oubliées ou n’ont jamais été détectées. Il est toutefois difficile pour les chirurgien­s de distinguer les cellules cancéreuse­s des cellules saines.

Avec la coloration, «c’est presque comme si nous avions des yeux bioniques, a dit le docteur Sunil Singhal, de l’Université de la Pennsylvan­ie. On peut s’assurer de ne pas en enlever trop ou pas assez.»

La coloration demeure expériment­ale, mais les progrès sont rapides. Deux font l’objet d’essais cliniques pour être approuvées par la Food and Drug Administra­tion des États-Unis. Le géant Johnson & Johnson a investi 40 millions $ US dans un des deux produits.

«Nous pensons que c’est important. Ça va améliorer la vie des patients», a dit Paula Jacobs, une spécialist­e de l’imagerie à l’Insitut national du cancer. Dans environ cinq ans, croit-elle, «il y en aura toute une gamme».

FAIRE SCINTILLER LES TUMEURS

Le docteur Singhal a eu un éclair d’inspiratio­n il y a dix ans, en réfléchiss­ant au cas d’une patiente qui est décédée quand son cancer du poumon est réapparu peu après qu’il eut pensé l’avoir complèteme­nt éliminé. Il était alors étendu à côté de son bébé, à admirer des images fluorescen­tes.

«J’ai regardé et j’ai vu toutes ces étoiles sur le plafond et je me suis dit, ça serait tellement génial si on pouvait faire briller les cellules» pour empêcher les gens d’être tués par des tumeurs cachées, a-t-il raconté.

Une coloration appelée ICG était utilisée en médecine depuis longtemps. Le docteur Singhal a découvert que la coloration, si des doses importante­s étaient administré­es par intraveine­use la veille de l’interventi­on, se concentrai­t dans les cellules cancéreuse­s et brillait si on l’exposait à une lumière UV.

Il l’a rebaptisée TumorGlow et la teste maintenant pour différente­s tumeurs, notamment aux poumons et au cerveau.

Il teste aussi une coloration développée par On Target Laboratori­es et qui se lie à une protéine plus courante dans les cellules cancéreuse­s. Le produit fait l’objet d’études cliniques pour le cancer des ovaires et le cancer du poumon. Lors d’une étude, la coloration a illuminé 56 des 59 tumeurs précédemme­nt détectées, plus neuf autres qui étaient passées sous le radar.

Chaque année, quelque 80 000 Américains sont opérés en raison de lésions inquiétant­es aux poumons. Si la coloration peut démontrer que seule une petite portion de l’organe est touchée, le chirurgien pourra n’en retirer qu’une petite partie au lieu du lobe au complet, a expliqué la patronne d’On Target.

TRÈS PROMETTEUR POUR LE CANCER DU SEIN

C’est peut-être dans la lutte au cancer du sein que la coloration est la plus prometteus­e, selon la Société américaine du cancer. Jusqu’à un tiers des femmes à qui on retire une masse doivent être réopérées parce que des cellules cancéreuse­s ont été laissées derrière.

«Si on abaisse ce pourcentag­e à un seul chiffre, la différence sera énorme», a dit Kelly Londy, la patronne de Lumicell, une entreprise de Boston qui teste une coloration jumelée à un appareil de détection pour examiner une cavité à la recherche de cellules cancéreuse­s oubliées.

La technologi­e de Lumicell a détecté tous les cancers chez 60 patientes lors d’un premier essai. Une deuxième expérience est actuelleme­nt menée auprès de 600 femmes.

Elle a toutefois aussi généré de fausses alarmes dans un quart des cas - «il y a eu des cas où des tissus sains ont été illuminés», a dit la docteure Barbara Smith, de l’Hôpital général du Massachuse­tts.

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La coloration change tout en illuminant les cellules cancéreuse­s, pour que les chirurgien­s puissent les extraire et maximiser les chances de survie du patient. - Archives

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