JUSTICE: DES DÉLAIS POUR AVOIR UN PROCÈS EN FRANÇAIS
Un homme francophone du Nouveau-Brunswick a été désavantagé devant la cour en raison de sa langue, conclut le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick.
La Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick est montrée du doigt par le Commissariat aux langues officielles (CLO) du Nouveau-Brunswick.
Après avoir examiné un dossier devant le tribunal à Woodstock, elle conclut «qu’il y a eu dérogation à la Loi sur les langues officielles».
En décembre 2016, un homme francophone s’est présenté à la Cour du Banc de la Reine à Woodstock afin qu’un juge entende sa requête au sujet de droits de visite. L’individu avait demandé à être entendu en français, alors que son exconjointe anglophone voulait être entendue en anglais.
Un juge bilingue d’une autre circonscription s’est déplacé afin de présider une audience, le 14 décembre. En février 2017, il a rendu une décision intermédiaire prévoyant des temps de visite jusqu’en août.
L’administration de la cour a demandé à l’avocat de l’homme si les partis souhaitent toujours continuer dans les deux langues officielles. Le 27 février, il a répondu oui.
C’est alors que les retards ont commencé.
Une date pour la prochaine audience n’a pas été établie avant le 30 mai. Elle devait avoir lieu presque six mois plus tard, le 14 décembre.
Il y a donc eu quatre mois pendant lesquels le conflit n’était pas résolu.
«Pendant ce temps, des dates étaient toutefois fixées sans délai inhabituel pour les audiences qui procédaient en anglais», peut-on lire dans un communiqué l’AJEFNB.
«Il y avait une incertitude quant à la garde des enfants, ce qui a probablement dû causer beaucoup de stress aux parents», affirme Yves Goguen, président de l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick (AJEFNB).
L’organisme a déposé une plainte devant le CLO, affirmant que la cour n’avait pas respecté la Loi sur les langues officielles, notamment que nulle personne ne soit défavorisée en choisissant d’employer une des deux langues officielles.
Selon l’AJEFNB, le tribunal s’est défendu en avançant que le retard avait été causé par des «processus opérationnels qui étaient indépendants de la langue». Une administratrice de la Cour à Woodstock aurait envoyé un courriel à son homologue à Saint-Jean, sans savoir que cette personne était en congé prolongé imprévu. Le courriel n’a pas été lu et l’administrateur de Woodstock n’a pas fait de suivi.
Dans son rapport sur le dossier, le CLO rappelle que la Cour suprême du Canada a statué que les inconvénients administratifs ne sont pas des facteurs pertinents dans les questions de droits linguistiques.
Dans l’arrêt Beaulac, il est affirmé que ces questions exigent que «le gouvernement satisfasse aux dispositions de la Loi en maintenant une infrastructure institutionnelle adéquate et en fournissant des services dans les deux langues officielles de façon égale».
Pour l’AJEFNB, le jugement de la CLO vient «confirmer ce qui n’était avant aujourd’hui que des anecdotes».
«Ça fait longtemps qu’on sait que la Loi sur les langues officielles n’est pas respectée et que les justiciables francophones doivent parfois faire face à des délais supplémentaires dans certaines circonscriptions», ex- plique M. Goguen.
Le commissariat recommande une évaluation de chaque circonscription et de chaque tribunal afin de s’assurer que les ressources nécessaires sont en place pour offrir un service égal dans les deux langues officielles.
Il recommande également que des séances d’information soient offertes au personnel des tribunaux sur la Loi sur les langues officielles et les obligations qui en découlent.
Le CLO a refusé notre demande de commenter le dossier, étant donné que ce n’est pas lui qui a publié le rapport sur le cas de Woodstock. C’est plutôt l’AJEFNB qui a rendu l’information publique, lundi matin.