Acadie Nouvelle

Quel rôle la France joue- t-elle dans la francophon­ie?

-

Le 5 mars, le président de la France, Emmanuel Macron, déclarait que c’est en parlant anglais qu’on défendrait la francophon­ie. Si cette démarche peut laisser perplexe, elle révèle toutefois une différence d’approches entre la France et le Canada, deux «fers de lance» de la francophon­ie. Lucas Pilleri

Les Franco-Canadiens attendent-ils quelque chose de la France? «Je ne fais pas partie des défenseurs grincheux, je suis un défenseur conquérant et ambitieux», avançait Emmanuel Macron le 5 mars. Si la démarche du nouveau président français tranche, c’est parce qu’elle semble plutôt s’inscrire dans le plurilingu­isme que dans la défense du fait français à la canadienne.

Pour Jean Johnson, président de la Fédération des communauté­s francophon­es et acadienne du Canada (FCFA), la France «est le point de départ». Il considère à cet égard que le pays des droits humains a «un immense rôle à jouer, un rôle d’influence, de soutien et d’encouragem­ent, c’est un chef de file».

Un avis partagé par Denis Desgagné, président du Centre de la francophon­ie des Amériques: «La France joue un rôle énorme. Ce sont des partenaire­s de terrain incroyable­s, des relayeurs. Ce sont souvent les alliances françaises ou les lycées français qui font un travail de rayonnemen­t sur le terrain».

Il faut aussi regarder du côté de l’Afrique pour la politologu­e Aurélie Lacassagne, professeur­e à l’Université Laurentien­ne de Sudbury, pour voir l’impact de la France sur le monde francophon­e. «Macron a été très clair: il veut refaire un nouveau pacte avec les pays africains, il a un discours par rapport à la jeunesse francophon­e africaine. Un véritable débat est ouvert par rapport à la francophon­ie». D’ailleurs, le premier ministre québécois lui-même avait déclaré que «l’avenir du français se trouve en Afrique» lors de sa rencontre à l’Élysée. Malgré sa position de chef de file, la France reste parfois timide sur le terrain de la défense de la langue. «Pour moi, la France aurait besoin de prendre des positions fortes par rapport à la langue, démontrer de façon continue un sentiment de fierté pour tous les accents francophon­es et soutenir les citoyens qui ont décidé de vivre en français, les célébrer et les appuyer», suggère Jean Johnson.

Pour le responsabl­e, les FrancoCana­diens n’attendent pas forcément quelque chose de la France, mais «veulent qu’elle continue à maintenir l’importance de la langue, qu’elle tienne debout avec fierté».

La docteure en politique Aurélie Lacassagne est plus critique. Selon elle, la France joue essentiell­ement la carte économique et délaisse le culturel: «Si c’est pour faire quelque chose comme le Commonweal­th, un objet économique, ce n’est pas très intéressan­t.»

Au-delà de la France, c’est le désengagem­ent de tous les États francophon­es qu’elle montre du doigt.

«Ils ne parlent de la francophon­ie que pour parler du développem­ent de relations commercial­es et laissent tomber tout ce qui fait l’intérêt de la francophon­ie pour les gens, à savoir partager une culture commune».

La politologu­e incite alors à plus de coopératio­n interétati­que, où «la France et le Québec doivent être les fers de lance».

Denis Desgagné la rejoint sur ce point: «La minute où on se divise, on s’autodétrui­t.» gnants de toutes ces stratégies pour nous épanouir. On est riches de tous ces savoirs», estime le président du Centre de la francophon­ie des Amériques.

Pour le responsabl­e, l’approche canadienne est essentiell­ement défensive, «avec toute l’histoire qu’on connaît», là où la France joue offensive, «car elle ne se sent pas menacée». Le président en veut pour preuve «tous ces territoire­s où [il voit] la France, en éducation, en entreprene­uriat, en développem­ent et en culture».

Aurélie Lacassagne complète: «C’est plus fondamenta­l pour le Québec d’être actif au niveau de la francophon­ie, car c’est lié à son identité. Ils n’ont pas le choix, même si je n’ai pas l’impression que le gouverneme­nt Couillard ait été très actif dans ce domaine.»

En outre, la professeur­e évoque le récent scandale autour de la gestion de l’Organisati­on internatio­nale de la francophon­ie (OIF).

« C’est un fiasco total », résume- telle. Elle voit dans cette affaire l’illustrati­on du « décalage qui existe entre la francophon­ie des gens, des artistes, des intellectu­els, et la francophon­ie des institutio­ns au fonctionne­ment dysfonctio­nnel. »

 ??  ?? Le président de la France, Emmanuel Macron. - Archives
Le président de la France, Emmanuel Macron. - Archives

Newspapers in French

Newspapers from Canada