CROQUER DANS LA VIE MALGRÉ UN HANDICAP
La représentativité des personnes handicapées dans les médias et la culture reste trop stéréotypée, déplore le Centre canadien d’éducation aux médias et de littératie numérique. L’organisme basé à Ottawa s’appuie notamment sur les recherches et les analyses menées par une universitaire écossaise.
Lynne Roper du Stirling Media Research Institute, au Royaume-Uni, note que les handicapés sont majoritairement présentés au public sous trois formes: une victime, un héros ou un méchant.
Parce qu’ils ne sont pas «normaux», ils sont à plaindre et éveillent chez le spectateur, l’auditeur ou le lecteur un sentiment d’apitoiement. Dans d’autres cas, ils apparaissent comme des personnages courageux qui dépassent leur handicap et surmontent les épreuves.
Daredevil, superhéros de l’univers Marvel, a développé des aptitudes exceptionnelles qu’il met au service du Bien pour compenser sa cécité. Image positive et salutaire?
Lynne Roper souligne qu’en procédant de cette manière, l’accent est mis sur le dépassement nécessaire du handicap pour s’accomplir et être accepté.
«On permet au public d’être plus à l’aise avec la condition des personnes handicapées sans avoir à les aider, renforçant ainsi la notion selon laquelle les handicaps peuvent être surmontés à la condition que la personne le veuille vraiment», constate la spécialiste.
Le troisième stéréotype le plus couramment véhiculé est celui de la vile personne. Dans les fictions surtout, les déficiences physiques et mentales illustrent le mal, à l’instar du pirate dépourvu d’une jambe, d’un oeil ou d’une main et qui pille allègrement ici et là.
De son côté, le site internet Media and Disability mentionne que «la maladie mentale est trop fréquemment (et de façon disproportionnée) liée aux crimes violents dans les médias, même s’il n’existe aucune preuve pour soutenir cette représentation trompeuse».
En marge de ces tristes observations, des initiatives lancées à travers le monde se multiplient avec l’ambition de casser les clichés.
Le 7 février, Gerber, la marque de repas pour bébés mondialement connue, a dévoilé sur son compte Instagram le visage de l’enfant qui l’incarnera pour les mois à venir – elle change tous les ans. Pour la première fois de son histoire, elle a choisi un enfant trisomique.
Lucas Warren a un an et vit aux ÉtatsUnis. Il a été sélectionné au terme d’un concours, parmi 140 000 bambins. Si Gerber s’est fixé l’objectif de «promouvoir la diversité», Bill Partyka, le PDG, a indiqué dans un communiqué que le jury avait été en premier lieu séduit par «le sourire éclatant» du petit Lucas.
Cortney Warren, la mère, a déclaré espérer que ce titre sera «l’occasion de faire changer le regard des gens sur le handicap».
En Angleterre, Zebedee Management n’est pas une agence de talents comme les autres. Elle regroupe uniquement des mannequins et des artistes présentant un handicap, quel qu’il soit.
«Nous croyons que les personnes avec des caractéristiques uniques devraient avoir les mêmes opportunités que les autres, et nous travaillons avec les médias et les marques de la mode pour y parvenir», a expliqué Laura Johnson, l’une des deux fondatrices de Zebedee Management, à un magazine newyorkais.
Certains de ses modèles ont défilé lors de la Fashion Week à Londres.
En France, le film Vincent et moi, sorti dans les salles le 21 mars, remporte un succès grandissant. Ce documentaire retrace le parcours chaotique de Vincent, 21 ans, porteur de la trisomie 21 et qui décide de se lancer dans la vie active.
Devant et derrière la caméra, le père du jeune homme, Édouard Cuel, coréalisateur du film, livre un témoignage saisissant. Le journal Le Monde parle d’«une oeuvre de sensibilisation aux visées édifiantes».
Aucune projection sur les écrans canadiens n’est pour l’heure annoncée.