Vivre pleinement sa vie malgré ses différences
«Elle est très affectueuse, sociable et tout le temps enjouée, décrit Karine Elward. Sa soeur, Audrey-Anne, et elle sont mes deux rayons de soleil.»
Karine Elward est la maman d’une enfant trisomique. Skieur émérite, Louis Fortin a été amputé d’un bras à l’adolescence. Tous deux sont confrontés au handicap, ils vivent avec. Ils nous racontent leur histoire.
Au cours de ses deux grossesses, Karine Elward a refusé de passer les tests de dépistage de la trisomie 21.
«On me les a proposés, mais je ne pensais pas à ça. Et puis, je me disais que ça ne changerait rien», confie-t-elle.
La première fois qu’elle a vu sa seconde fille après l’accouchement, elle a compris que son enfant était atteinte de cette anomalie chromosomique congénitale.
«Ç’a été un choc. Je n’avais rien lu sur le sujet. Je me posais beaucoup de questions: comment ça allait se passer? Quel sera son avenir? Est-ce que j’allais la perdre?»
Cette résidente de Caraquet reconnaît s’être sentie coupable.
«Les heures après sa naissance, je m’excusais sans cesse. J’avais l’impression d’avoir fait quelque chose de mal, d’être responsable. Tout le monde me répondait que ce n’était pas de ma faute.» Très vite, la maman s’est raisonnée. «Je me suis dit qu’en dépit de sa trisomie 21, elle allait marcher, rire, parler. Que malgré son handicap, elle allait vivre.»
Marilou Blanchard a aujourd’hui 10 ans. Elle est élève en 5e année à l’école communautaire Marguerite-Bourgeoys.
Le regard qu’elle porte sur autrui est lumineux et s’accompagne invariablement d’un large sourire.
En tant que mère d’une enfant trisomique, elle redoutait la réaction des inconnus. Elle s’estime chanceuse, elle n’a jamais essuyé de remarques désobligeantes ou subi de situations gênantes. Quand Marilou a entamé sa scolarité, ses camarades de classe avaient parfois du mal à comprendre ses comportements.
«Dans ces cas-là, ils s’éloignaient d’elle, plus qu’ils ne la rejetaient. Elle n’a pas été intimidée ni victime de méchants commentaires.»
Maintenant, la jeune fille est connue et appréciée de tous dans son école. Une école qui accueille, cette année, d’autres enfants présentant un handicap physique ou mental, autre que la trisomie 21.
Karine Elward a le sentiment que la question du handicap dans son ensemble est nettement moins taboue qu’elle ne l’était.
«Les personnes touchées sont plus visibles qu’avant, plus normalisées. On vit dans une société qui fait preuve d’une plus grande ouverture d’esprit.»
Louis Fortin avait 14 ans lorsqu’il a été diagnostiqué atteint d’un cancer des os, le même que Terry Fox.
Pour le guérir, les médecins ont dû l’amputer de son bras droit.
«À l’époque, je n’avais pas conscience de l’impact que ça pouvait avoir. Pour moi, ça ne changeait pas mes capacités. Avec deux ou un bras, j’ai toujours été quelqu’un qui s’investissait à fond dans tout ce qu’il faisait et encore plus dans tout ce qu’il aimait faire.»
Les regards persistants des gens lui pesaient, à l’adolescence.
«J’étais choqué de les voir me dévisager ainsi. Je les fixais en retour, mais eux ne le voyaient pas, puisqu’ils ne me regardaient pas dans les yeux. En vieillissant, j’ai appris à me détacher de tout ça. Je ne fais plus attention.»
Aujourd’hui enseignant suppléant à Fredericton, il a connu des moments embarrassants.
«Surtout avec les enfants pour qui croiser un homme avec un seul bras, c’est inconnu. Ça se traduisait par des commentaires dits à voix haute. Certains me pointaient du doigt, d’autres essayaient de regarder dans la manche de mon chandail», se rappelle celui qui a participé aux Jeux paralympiques d’hiver de Sotchi (en Russie), en 2014.
Louis Fortin ne s’est néanmoins jamais senti stigmatisé. Sous différents aspects, il perçoit sa différence comme quelque chose de positif.
«Quand ils me rencontrent, les gens se souviennent de moi. Je marque les esprits à la première impression.»
La saison de ski s’achève et Louis Fortin n’aura participé à aucune compétition.
«J’ai skié, mais pour le plaisir seulement, pour garder la forme. Des fois, j’espère retrouver le milieu du haut niveau sportif. Peut- être que je me limiterai à quelques compéti- tions locales. Je ne sais pas encore.»