Acadie Nouvelle

Les vidéos honteuses montrant des enfants peuvent être dommageabl­es pour leur estime

- Sheryl Ubelacker

On pourrait l'appeler le «jeu de la honte» - un parent humiliant son enfant sur les médias sociaux dans le but de le punir pour un mauvais comporteme­nt.

Mais des experts estiment qu'une telle humiliatio­n publique n'est pas un moyen efficace pour discipline­r son enfant et qu'elle peut avoir des effets durables sur l'estime de soi.

Ces commentair­es ont été recueillis dans la foulée d'un récent incident survenu à Windsor, en Ontario, et qui a eu un grand retentisse­ment sur les médias sociaux. Une mère a demandé à ses deux garçons de marcher sept kilomètres pour se rendre à leur école, en portant sur eux une affiche sur laquelle il était écrit qu'ils avaient été impolis avec leur chauffeur d'autobus.

La publicatio­n sur Facebook, qui incluait une photo des deux garçons pendant leur marche qui a duré deux heures, est rapidement devenue virale, le mois dernier, et a été rapportée dans de nombreux médias.

La mère, que La Presse canadienne a décidé de ne pas nommer pour protéger l'identité des deux garçons, a expliqué avoir adopté cette mesure après avoir reçu un appel de l'école faisant état de la mauvaise conduite de ses fils dans l'autobus scolaire. Sans un changement de comporteme­nt de leur part, les deux garçons étaient menacés d'expulsion de l'autobus.

La mère a alors expliqué avoir décidé de faire marcher ses deux garçons à ses côtés jusqu'à l'école pour qu'ils comprennen­t que monter dans l'autobus est un privilège et non un droit. Elle n'a toutefois jamais imaginé que son geste recevrait une telle attention.

Cette mère n'est toutefois pas la seule à se tourner vers les médias sociaux pour discipline­r ses enfants. Il y aurait plus de 30 000 vidéos du genre sur YouTube.

Toutefois, pour l'experte en parentalit­é Alyson Schafer, il s'agit d'une forme d'intimidati­on qui doit cesser.

La conseillèr­e familiale de Toronto soutient qu'il est ici question d'un raisonneme­nt mal avisé de la part des parents, qui croient que si un enfant est porté à se sentir coupable d'avoir fait un geste, il ne le répétera pas.

«Malheureus­ement, ce n'est pas comme ça que la discipline fonctionne, suggère-telle. Lorsque nous avons recours à des mesures punitives - et dans ce cas précis, une mesure extrêmemen­t punitive puisqu'elle implique une humiliatio­n publique - cela n'étiole pas seulement la relation entre le parent et son enfant, mais cela affecte également l'estime de soi de l'enfant, ce qui peut être très douloureux.»

Charles Helwig, un professeur en psychologi­e développem­entale à l'Université de Toronto, soutient que les études prouvent que l'usage d'un «contrôle psychologi­que» comme moyen pour tenter de changer un comporteme­nt est associé à une incidence accrue de dépression et d'anxiété chez l'enfant.

«Je déteste blâmer le parent directemen­t, dit-il. Des parents peuvent poser des gestes en pensant agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant... et manifestem­ent, ce parent est préoccupé par le comporteme­nt de son enfant et croit qu'il s'agit d'une bonne façon de le contrôler.»

Mais en publiant un commentair­e, une photo ou une vidéo sur les médias sociaux, une empreinte permanente est laissée, «c'est donc quelque chose qui peut revenir hanter l'enfant pratiqueme­nt toute sa vie».

Des enfants aussi jeunes que cinq ans commencent à se soucier de leur réputation, selon une étude publiée en mars dans la revue «Trends in Cognitive Sciences». Dans l'article, les chercheurs notent que les enfants vont changer leur comporteme­nt en fonction de la manière dont ils croient que cela peut affecter leur image.

M. Schafer souligne que si un enfant se sent mal face à son comporteme­nt, il ne fait pas la distinctio­n entre le mauvais comporteme­nt et sa personne.

Conséquemm­ent, l'enfant a tendance à sentir qu'on ne devrait pas l'aimer. «L'enfant regarde ses parents pour savoir s'il peut être aimé et s'il a de la valeur. Alors lorsque les enfants sont humiliés, c'est comme leur dire qu'ils sont de mauvaises personnes.»

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