Acadie Nouvelle

Changement­s climatique­s: l’approche canadienne incohérent­e, selon Jeffrey Sachs

Le Canada doit cesser de favoriser la constructi­on d’oléoducs, selon l’économiste de renommée internatio­nale Jeffrey Sachs, pour qui l’approche canadienne en matière de lutte contre les changement­s climatique­s manque de cohérence.

- Mylène Crête La Presse canadienne

«Nous n’avons pas besoin de ces oléoducs, a-t-il tranché. Ils n’ont aucun rôle à jouer dans un monde en cohérence avec l’Accord de Paris sur le climat.»

La Presse canadienne s’est entretenue avec le professeur de l’Université Columbia aux États-Unis lors de son passage à l’Université d’Ottawa, mercredi. M. Sachs dirige également le Réseau de solutions pour le développem­ent durable de l’ONU, qui vise à mettre en oeuvre 17 objectifs adoptés par les pays membres des Nations unies en 2015 et qui incluent la lutte contre les changement­s climatique­s.

«Le Canada tente de passer à un système énergétiqu­e faible en carbone, mais continue d’exporter (une énergie) haute en carbone et ce n’est pas satisfaisa­nt», a-t-il affirmé.

Jeffrey Sachs soutient que le Canada doit carrément cesser l’exportatio­n de pétrole provenant des sables bitumineux. En 2016, environ 3,1 millions de barils de pétrole brut par jour ont été exportés du Canada majoritair­ement vers les ÉtatsUnis, selon le ministère des Ressources naturelles.

Le gouverneme­nt Trudeau a approuvé, en 2016, la constructi­on de deux oléoducs, dont le projet TransMount­ain de Kinder Morgan qui suscite une vive opposition en Colombie-Britanniqu­e.

«Je ne crois pas que ces nouveaux investisse­ments (pour la constructi­on d’oléoducs) soient rentables à long terme parce que le monde n’a pas besoin et ne voudra plus des hydrocarbu­res canadiens, a-t-il maintenu. Je ne crois pas non plus que ce soit prudent pour le Canada, qui est un chef de file en matière de climat, de continuer à militer pour le développem­ent d’une source d’énergie qui est dangereuse pour la planète.»

ABSENCE DE PLAN

Le gouverneme­nt Trudeau s’est engagé en 2015 dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 30% sous les niveaux de 2005, d’ici 2030.

Une cible qui semble difficile à atteindre malgré les efforts actuels, selon un récent rapport de la commissair­e à l’environnem­ent, puisque plusieurs provinces n’ont pas de stratégie précise pour y parvenir.

M. Sachs enjoint le Canada à se doter d’un plan solide qui permettrai­t à tous les Canadiens de comprendre l’impact de la réduction des émissions de GES sur leur quotidien. Le Cadre pancanadie­n sur la croissance propre et les changement­s climatique­s qui préconise l’imposition d’une taxe sur le carbone ne constitue pas un réel plan de décarbonis­ation, selon lui.

«Ce n’est pas un plan, a-t-il dit spontanéme­nt. Je veux pouvoir regarder une carte où je pourrais voir où seraient les nouvelles lignes de transport en 2040, d’où proviendra­it la nouvelle énergie hydroélect­rique, la nouvelle énergie éolienne, quel genre de commerce interprovi­ncial (il y aurait dans ce secteur), quel genre d’exportatio­ns du Canada aux États-Unis d’énergies renouvelab­les et de services comme le stockage d’hydroélect­ricité (...). Le Canada a un grand rôle à jouer là-dedans.»

Sans plan concret, les contribuab­les risquent de voir toute taxe sur le carbone de façon négative, poursuit M. Sachs. Le gouverneme­nt doit leur expliquer à quoi ressembler­a leur vie dans un monde où les énergies fossiles ne seront plus reines.

«Les gens pensent parfois que, premièreme­nt, leur électricit­é va leur coûter plus cher, deuxièmeme­nt, que rien ne va changer à part la baisse de leur niveau de vie, et troisièmem­ent, (ils se demandent): “est-ce que ça veut dire que je ne pourrai plus conduire, est-ce que ma maison sera trop froide, je ne pourrai plus prendre l’avion, il n’y aura plus d’électricit­é, qu’est-ce que ça veut dire?”», a-t-il imagé.

Au lieu de construire des oléoducs, le Canada devrait à son avis construire des lignes à haute tension pour pouvoir exporter de l’électricit­é produite à partir de sources d’énergie renouvelab­le.

L’économiste a souligné le potentiel hydroélect­rique dans le Nord du Québec qui pourrait permettre d’alimenter plusieurs provinces et plusieurs États américains sur la côte est.

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Un iceberg au Groenland. − Associated Press: David Goldman

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