Encore des tabous
Les sex-shops ne connaissent pas la crise. Est-ce le signe que les mentalités en matière de sexualité évoluent? Renée-Claude Badman ne le pense pas. «La société paraît plus ouverte, mais elle ne l’est pas en réalité. La pornographie et l’hypersexualisation sont plus présentes. Le poids de l’héritage religieux et la peur du qu’en-dira-t-on prédominent. C’est encore plus vrai dans les milieux ruraux.» Cette sexologue clinicienne exerce en cabinet privé depuis 11 ans à Moncton. Certains de ses patients se déplacent depuis Miramichi ou Caraquet, par exemple, pour éviter que leurs voisins sachent qu’ils ont un problème intime. «Ça jase beaucoup dans les petites communautés, me disent-ils.» Contrairement à ce que d’aucuns pourraient s’imaginer, sa clientèle ne se cantonne pas aux pervers et aux obsédés. «Je ne travaille pas en milieu carcéral. Je ne traite pas les prédateurs et les agresseurs.» Face à elle, monsieur et madame Tout-le-monde s’installent et se confient. «Bien souvent, leurs troubles et leurs questionnements ne sont que des conséquences et masquent des problèmes plus profonds. Ça peut être un manque de communication dans le couple. C’est comme avec les alcooliques. Le souci, ce n’est pas tant qu’ils boivent, mais pourquoi ils boivent.» Au quotidien, Renée-Claude Badman doit éduquer celles et ceux qui la consultent. «Ils ne se sentent pas normaux parce qu’ils pensent ne pas avoir une sexualité qu’ils considèrent «normale», c’est-à-dire celle véhiculée dans les médias, à travers les films et les séries (même ceux destinés au grand public) et sur internet. Ce n’est pas forcément alarmant de ne pas avoir de désir. La sexualité ne se limite pas à un schéma spécifique. Elle est complexe et propre à chacun», affirme la spécialiste. - VP