Acadie Nouvelle

UN REVERS DIFFICILE À AVALER

DÉCISION COMEAU DE LA COUR SUPRÊME

- Simon Delattre simon.delattre@acadienouv­elle.com

Si la bataille juridique pour la libre circulatio­n de l’alcool s’est soldée par une défaite, le camp Comeau se félicite d’avoir lancé un débat national sur le commerce interprovi­ncial

Le téléphone de Gérard Comeau ne dérougit pas depuis jeudi matin. La cause du retraité de Tracadie a retenu l’attention dans tout le pays.

Certains observateu­rs avançaient qu’une décision de la Cour suprême en sa faveur aurait pu changer la nature de la fédération canadienne et faire tomber les obstacles au commerce entre les provinces. Il n’en sera rien finalement.

Interrogé par l’Acadie Nouvelle, Gérard Comeau dit ne pas comprendre la décision du plus haut tribunal du pays.

«Ça ne fait pas de sens. La Constituti­on prévoit qu’on puisse magasiner partout au pays, qu’il faut respecter les libertés individuel­les. Il y a bien une contradict­ion quelque part. Mais bon je ne vais pas m’arrêter de vivre pour ça!»

Point positif, il n’aura pas à payer sa contravent­ion 300$, même si la cargaison de 14 caisses confisquée ne lui sera pas rendue.

La décision de la Cour suprême l’empêchera-t-il d’aller acheter sa boisson dans la province voisine? Gérard Comeau préfère répondre par la blague.

«Peut-être que non, peut-être que oui, ça dépendra de la saison... et de ma soif!»

Me Mikaël Bernard, l’avocat de M. Comeau, dit que la déception est à la hauteur des espoirs qu’avait suscités cette cause.

«Après six ans et des heures de travail, nous sommes très déçus, mais on n’a pas d’autre choix que d’accepter et de respecter la décision de la Cour suprême», réagit le juriste.

Selon lui, ces années de procédures judiciaire­s n’auront pas été vaines pour autant. Me Bernard souhaite que la médiatisat­ion de l’affaire contribue à faire bouger les lignes.

«M. Comeau peut être fier du fait qu’il a déclenché une discussion à l’échelle nationale, je pense qu’il y avait un consensus parmi la population. J’espère que ça va ouvrir d’autres portes et qu’on verra des changement­s se faire par l’entremise de nos politicien­s. La discussion qui a été entamée est un pas dans la bonne direction.»

VERS UN ASSOUPLISS­EMENT?

Roger Melanson, ministre responsabl­e de la Politique d’expansion du commerce prend acte du choix de la Cour suprême de maintenir le statu quo.

«Le jugement confirme que les gouverneme­nts provinciau­x ont le droit de réglemente­r et d’assurer la gestion de l’offre», dit-il.

Malgré tout, Roger Melanson reconnaît qu’il est temps de moderniser la réglementa­tion qui encadre l’importatio­n d’alcool d’une province à une autre.

«C’est clair qu’il faut faire évoluer les politiques commercial­es en matière de produits alcoolisés, déclare-t-il. Les consommate­urs le demandent et le dossier Comeau a permis d’avoir une discussion sur le sujet.»

Un comité de travail national se penche actuelleme­nt sur la possibilit­é d’éliminer certaines barrières au commerce de l’alcool. Des recommanda­tions seront présentées dès le mois de juillet.

«Nous regardons deux choses, explique le ministre. Est-ce qu’on peut augmenter la quantité d’alcool qu’un individu peut acheter dans une autre province canadienne, et est-ce qu’on peut utiliser les nouveaux modes d’achat en ligne?»

Il ajoute que son gouverneme­nt doit faire preuve de prudence, étant donné qu’Alcool NB rapporte chaque année près de 170 millions $ à la province.

«Alcool NB génère des revenus importants pour le gouverneme­nt provincial qui les redistribu­e pour des services publics que ce soit dans le système de santé, l’éducation ou les infrastruc­tures», rappelle M. Melanson.

À la suite du jugement, de nombreux groupes ont appelé les provinces à faire tomber les obstacles à la libre circulatio­n des marchandis­es telles que l’alcool.

Martine Hébert, porte-parole nationale de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te, parle d’une «occasion manquée» d’en arriver à un commerce totalement ouvert entre les provinces.

L’organisme Consumer Choice Center estime qu’un coup a été porté aux droits des consommate­urs.

«L’idée d’avoir une nation et un marché est la fondation sur laquelle ce pays a été construit», argumente David Clement, directeur du Consumer Choice Center.

La Chambre de commerce du Canada a aussi partagé sa déception.

«La décision ne fera que consolider la plupart des obstacles qui entravent actuelleme­nt les échanges commerciau­x au Canada, en faisant grimper le prix de revient des entreprise­s et en pénalisant les consommate­urs canadiens.»

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