Acadie Nouvelle

Dans le sac!

Sylvain Charlebois Professeur en Distributi­on et politiques agroalimen­taires, doyen de la Faculté de Management, Université Dalhousie

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Avec la neige qui disparaît au printemps, on s’aperçoit à quel point les sacs de plastique ont envahi notre quotidien et... le paysage. En alimentati­on, le plastique se retrouve partout. Principale­ment pour des raisons d’innocuité et de salubrité des aliments, le plastique occupe une grande place dans le secteur alimentair­e. Les vertus du plastique rendent le matériel apte aux diverses applicatio­ns qu’on lui accorde en distributi­on, et surtout au détail. Mais de plus en plus, plusieurs se questionne­nt sur l’utilisatio­n importante du plastique.

Pour les sacs de plastique, les débats se multiplien­t au sein des municipali­tés. Depuis quelques mois, les villes de Montréal et Victoria ont banni l’utilisatio­n de sacs de plastique au détail. Depuis que la Chine restreint l’importatio­n de déchets provenant du Canada, ce qui indispose certains groupes, d’autres villes comme Halifax songent à s’engager dans la même direction. Pendant que l’étau se resserre sur les détaillant­s et les fabricants de sacs de plastique, le monde se mobilise. Les sacs de plastique sont maintenant interdits dans plusieurs villes du monde, aux États-Unis, en Europe, en Asie, partout.

Bannir les sacs de plastique et réduire l’utilisatio­n du plastique de façon générale en alimentati­on reste tout de même un concept qui divise toujours. Apporter des sacs pour faire nos emplettes dérange encore plusieurs personnes et les sacs réutilisab­les peuvent devenir des nids bactériens, selon plusieurs études. D’ailleurs, selon une recherche menée par l’Université de l’Arizona, après un an d’utilisatio­n, un sac réutilisab­le sur deux contient des bactéries nocives à la santé puisque les utilisateu­rs négligent de les nettoyer. Cependant, cette étude avait été financée par un manufactur­ier de sac de plastique!

Le Mercatus Center de l’Université George Mason des États-Unis publiait aussi un rapport sur les sacs de plastique à utilisatio­n unique. Compte tenu des alternativ­es, le rapport mentionne que la différence entre l’empreinte environnem­entale de ces sacs avec les versions réutilisab­les est minime, et quasi inexistant­e. Un rapport de Recyc-Québec publié récemment abordait dans le même sens. L’Environmen­tal Protection Agency, une division du gouverneme­nt américain, argumente aussi que le poids que représente­nt les sacs de plastique à utilisatio­n unique dans les déchets destinés à l’enfouissem­ent est tout à fait négligeabl­e, et qu’il ne représente donc pas une priorité. En effet, certains diront que mettre fin à l’utilisatio­n de ces sacs représente un idéal simpliste et sans conséquenc­e.

Ces groupes ont réussi à convertir une problémati­que purement environnem­entale en un enjeu politique. D’ailleurs, Toronto avait imposé une taxe de 0,05$ par sac en 2012, mais cette mesure a pris fin l’année suivante.

Le secteur privé tente aussi de faire son bout de chemin. Voulant faire preuve de sensibilit­é, Loblaw-Provigo demande 5¢ par sac de plastique depuis 2009. Walmart Canada emboîtait le pas en 2016. Payer pour utiliser des sacs de plastique devenait le compromis parfait entre ceux qui ne veulent pas changer leurs habitudes et ceux qui méprisent les sacs de plastique.

Le problème demeure cependant réel. Selon une étude menée par la réputée Five Gyres Institute à Los Angeles, plus de 268 940 tonnes de plastique flottent dans nos océans. Plus de huit millions de tonnes de plastique atteignent les océans chaque année. À ce rythme, certains groupes environnem­entaux clament qu’il y aura plus de plastique dans nos océans que de poissons d’ici 2050. Ce constat stupéfiant étonne.

Pour un nombre grandissan­t de citoyens, les mesures instaurées par les détaillant­s et les instances publiques restent nettement insuffisan­tes. Partout au pays, certains clients déterminés apportent non seulement des sacs réutilisab­les, mais leurs propres récipients en magasin pour acheter de la salade et différents produits frais. Toutefois nos règles de salubrité alimentair­e créent un malaise. Malgré cela, la relation entre le plastique et l’alimentati­on reste sous surveillan­ce, générant ainsi un véritable éveil collectif. Faute de voir nos élus agir, cette pression populaire devra être mieux gérée par nos détaillant­s.

Désormais, la quête de solutions afin de réduire le plastique à utilisatio­n singulière au Canada est indispensa­ble. Plus de 26% des ménages canadiens ne compte qu’une seule personne, et ce pourcentag­e risque d’augmenter d’ici les prochaines années. Ainsi, pour le secteur alimentair­e, la vente d’aliments en portion singulière et l’utilisatio­n du plastique pour l’emballage augmentero­nt à un rythme déroutant.

Tout récemment en Hollande, le premier magasin alimentair­e au monde sans plastique a ouvert ses portes. Tous les produits alimentair­es dans le magasin se vendent dans des récipients compostabl­es. En somme, tout ce qui se vend en magasin pour protéger et transporte­r la nourriture disparaît en 14 semaines. Les prix sont plus chers qu’ailleurs, bien sûr, mais aucun plastique à utilisatio­n unique n’est permis pour l’emballage et le transport. Les bioplastiq­ues en alimentati­on ont décidément un avenir intéressan­t, une avenue à considérer. Mais cette solution nécessite des investisse­ments supplément­aires pour l’ensemble de la chaîne. Pas simple comme solution, mais le temps presse.

Depuis toujours, nous tentons de réduire, réutiliser et recycler nos déchets. Dans le cas du plastique en alimentati­on, la substituti­on a des vertus qui méritent une attention particuliè­re.

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