Acadie Nouvelle

Facebook a eu un accès privilégié à des ministres fédéraux

- Andy Blatchford

Un dirigeant de Facebook qui a déjà entretenu des liens étroits avec le Parti libéral du Canada a dû expliquer, jeudi à Ottawa, comment il avait eu un accès privilégié à d’influents ministres fédéraux, alors que le géant des médias sociaux ne compte aucun lobbyiste inscrit officielle­ment au registre national.

Témoignant jeudi devant un comité des Communes, Kevin Chan, directeur mondial et chef de la politique publique chez Facebook Canada, a été interrogé sur ses rencontres en haut lieu avec le pouvoir fédéral, notamment avec le ministre des Finances, Bill Morneau. M. Chan avait été directeur des politiques auprès de Michael Ignatieff, chef des libéraux fédéraux de 2008 à 2011.

Il a expliqué jeudi que la Loi sur le lobbying ne l’obligeait pas à s’enregistre­r puisque la part de ses activités consacrée à ce domaine était bien en deçà du seuil de 20% permis par la loi.

Le comité des Communes tenait jeudi des audiences sur l’«atteinte à la sécurité des renseignem­ents personnels associée à Cambridge Analytica et Facebook», à l’instar d’autres élus et de responsabl­es dans le monde. On a appris récemment que les renseignem­ents personnels de quelque 87 millions d’abonnés de Facebook – dont plus de 620 000 Canadiens – avaient été utilisés de façon inappropri­ée à des fins électorali­stes.

Pendant un échange musclé avec le député néo-démocrate Charlie Angus, viceprésid­ent du Comité permanent de l’accès à l’informatio­n, de la protection des renseignem­ents personnels et de l’éthique, M. Chan a expliqué que sa rencontre avec Bill Morneau, par exemple, n’était destinée qu’à montrer au ministre des Finances comment organiser un événement en direct sur Facebook afin de diffuser son discours sur le budget.

«Et vous, vous vous déplacez pour aider (le ministre Morneau) à obtenir plus de ‘‘j’aime’’?», a lancé le député néo-démocrate. «N’est-ce pas une énorme perte de temps pour quelqu’un comme vous?»

«Si vous voulez absolument présenter la chose de cette façon: oui, monsieur, c’est ce que je fais dans la vie, et j’en suis fier», a répondu M. Chan.

À la suite de ce témoignage, le fondateur de l’organisme Démocratie en surveillan­ce a indiqué qu’il songeait à déposer une plainte auprès de la commissair­e au lobbying du Canada. Duff Conacher se demande pourquoi Facebook n’a enregistré aucun lobbyiste à Ottawa, contrairem­ent à d’autres géants d’internet comme Google.

Le comité des Communes a aussi entendu jeudi le directeur adjoint de la protection des renseignem­ents personnels chez Facebook. Témoignant par visioconfé­rence depuis la Californie, Robert Sherman a déclaré que seulement 272 Canadiens avaient installé l’applicatio­n qui a permis à des entreprise­s d’accéder aux renseignem­ents de 622 000 autres utilisateu­rs au Canada.

Charlie Angus a répondu que lorsqu’une ampoule grille chez lui, il n’appelle pas à la rescousse le président de General Electric.

Talonné par les députés, il a aussi admis qu’il était possible qu’une «petite quantité» de messages privés d’utilisateu­rs de Facebook aient pu être partagés sans leur consenteme­nt, dans le cadre du scandale Cambridge Analytica. «Ça reste à confirmer», a dit M. Sherman, tout en présentant les excuses de Facebook, comme l’avait fait M. Chan.

En écho aux déclaratio­ns du grand patron de Facebook, Mark Zuckerberg, plus tôt ce mois-ci, M. Chan a admis que l’entreprise n’avait pas été à la hauteur pour sécuriser la plateforme.

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− Associated Press: Noah Berger

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