LES HOMARDIERS DÉÇUS ET FRUSTRÉS
L’Union des pêcheurs des Maritimes (UPM) réclame une rencontre dans les plus brefs délais avec Dominic LeBlanc, ministre des Pêches et des Océans du Canada, au lendemain de la publication d’un avis annonçant la fermeture d’une étendue de près de 1900 kilomètres carrés dans la zone de pêche au homard.
Des fermetures temporaires de 15 jours pourraient aussi être imposées si des baleines noires, une espèce menacée, sont observées dans les eaux d’une zone s’étendant de l’île Miscou jusqu’à la région de Tabusintac.
Selon Pêches et Océans Canada, les restrictions ont été mises en place pour protéger le mammifère marin.
En plus de demander une rencontre avec Dominic LeBlanc, l’UPM demande aussi à Ottawa de mettre sur pied un groupe de travail qui aurait pour tâche d’élaborer des solutions.
Les biologistes ont recensé l’an dernier 18 décès de ces baleines dans les eaux canadiennes et américaines - la plupart heurtées par un navire ou empêtrées dans des engins de pêche.
Il ne reste plus qu’environ 450 baleines noires de l’Atlantique Nord sur la planète, et plusieurs viennent passer l’été dans le golfe du Saint-Laurent pour se nourrir.
Moira Brown, scientifique auprès de l’Institut canadien des baleines, estime que si la tendance se maintient, l’espèce sera virtuellement éteinte d’ici 25 ans.
Les nouvelles mesures annoncées mardi par Pêches et Océans Canada prévoient notamment des restrictions sur les cordages.
Les pêcheurs de homard ne pourront plus laisser flotter à la surface de l’eau la corde qui relie un casier à homard immergé à une bouée.
Les détenteurs de permis devront par ailleurs déclarer les engins perdus, dans le but de quantifier leur nombre chaque année et de déterminer «le besoin d’augmenter les efforts pour les récupérer».
Enfin, les pêcheurs de homard devront désormais signaler toute «interaction» avec un mammifère marin, incluant une capture accidentelle ou une collision, mais aussi toute observation de mammifères marins empêtrés qui se produisent pendant leurs expéditions de pêches.
DÉCEPTION CHEZ LES PÊCHEURS
Une importante réunion d’urgence a rassemblé près de 300 pêcheurs mercredi matin à Inkerman, dans la Péninsule acadienne.
Des représentants de l’UPM ont rencontré les médias par la suite en début d’après-midi pour faire le point sur cette rencontre.
«Nos membres sont frustrés», a résumé Carl Allen, président de l’UPM.
«Nous voulons être des partenaires du ministère dans ce processus. Nous sommes les experts sur la mer. Nous avons de vraies solutions à proposer.»
Entre autres, les pêcheurs sont prêts à limiter le nombre de casiers qu’ils mettent à l’eau et à accueillir des observateurs en mer sur leurs embarcations, explique Martin Mallet, directeur général de l’UPM.
Le ministère n’a accepté aucune des propositions, regrette-t-il.
Les pêcheurs ont d’ailleurs du mal à comprendre ce qui a motivé la décision du gouvernement fédéral.
«Aucune interaction entre des baleines noires et des engins de pêche au homard n’a été signalée en 2017 ou avant. Les pêcheurs ont du mal à accepter les parties du plan de pêche qui concernent les baleines noires», dit Carl Allen.
CONSÉQUENCES
Sur le terrain, l’annonce récente du gouvernement fédéral est sur le bout des lèvres de tous, raconte Wilbert Lanteigne, un pêcheur de homard de Miscou.
Nous l’avons croisé alors qu’il préparait son bateau le «Jason & Lacey» en vue du début de la saison, qui pourrait débuter le 30 avril, si les conditions météorologiques le permettent.
«On n’a jamais vu de baleine dans nos trappes. Il y en a un peu plus loin, dans le canal, en se rendant vers la Gaspésie, parce que l’eau est plus profonde, mais j’en ai jamais vu là où je pêche.»
Chaque année, Wilbert Lanteigne dépose ses casiers plus ou moins aux mêmes endroits. En fait, c’est le cas pour la vaste majorité des pêcheurs. M. Lanteigne craint que la mise en place de restrictions pousse plusieurs à jouer du coude pour avoir accès aux meilleurs endroits de pêche.
«Les pêcheurs vont se trouver dans un gros tas. Plusieurs seront au même endroit. Tout le monde est habitué à pêcher à sa propre place, alors le système va changer c’est sûr.»
Les conséquences économiques le préoccupent aussi.
«J’ai deux hommes de pont à payer, j’ai mon équipement. Ceci c’est mon gagnepain. On a deux mois pour pêcher. Si les gens du ministère arrivent pour nous dire qu’ils ont vu une baleine et ils ferment la zone, nous allons être obligés de rentrer au quai. Il n’y a plus rien à faire. Qu’est-ce qui va arriver à tout le monde qui travaille sur les ponts surtout avec le chômage et le trou noir. Toute l’économie sera affectée.»
Avec des extraits de la Presse canadienne
«Pour notre industrie, c’est une nouvelle désolante. C’est une surprise, car il n’y a eu aucune consultation avec notre association cet hiver. Quand on a su qu’il y avait des rumeurs de fermeture de zone pour la pêche au homard, on a approché le ministère pour travailler avec lui et faire des propositions pour essayer d’améliorer le plan de pêche.»