Acadie Nouvelle

CHIRURGIES DE CONFIRMATI­ON DE GENRE: UN TRÈS LONG PROCESSUS

De gros progrès restent à faire au Nouveau-Brunswick, malgré les avancées des dernières années dans le système de santé. C’est ce que croient les intervenan­ts à qui nous avons parlé.

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Pour Joselyn O’Connor, une des raisons de ces temps d’attentes trop longs est le faible nombre de spécialist­es susceptibl­es de prendre en charge des patients transgenre­s souhaitant débuter une transition.

Si dans les faits, chaque médecin de famille est apte à prescrire un traitement d’hormonothé­rapie, ils sont nombreux à déléguer leurs patients à un autre spécialist­e.

«J’ai pris un rendez-vous avec mon médecin de famille et elle ne savait pas ce qu’il fallait faire. J’avais une liste de noms des autres médecins que j’ai trouvée en ligne, des médecins qui avaient de l’expérience, et je lui ai demandé de me faire une référence à toutes les personnes de cette liste», indique-t-elle.

Puisque les spécialist­es en question sont peu nombreux, le temps d’attente pour accéder à leur service tend à se faire long. Joselyn O’Connor, pour accélérer le processus, a décidé de consulter un spécialist­e à Toronto.

Une situation qui peut s’avérer frustrante pour les patients.

Pourtant, le fait que les médecins généralist­es redirigent leurs patients vers des spécialist­es est bon signe pour la professeur­e au Centre de formation médicale du NouveauBru­nswick et à l’École de psychologi­e de l’Université de Moncton, Jalila Jbilou.

«Parfois, c’est peut-être la meilleure façon, parce que le profession­nel a reconnu ses limites et veut la sécurité de son patient», indique-t-elle.

Jalila Jbilou assure que tous les spécialist­es de santé reçoivent une formation qui leur permet de prendre en charge des patients transgenre­s, tant du point de vue technique qu’au niveau de la compréhens­ion de leurs besoins.

Pour la professeur­e, la faible population de personnes transgenre­s voulant transition­ner empêche parfois les médecins d’avoir une connaissan­ce technique poussée.

«Un médecin de famille livre une large gamme de services, façonnée par les cas les plus prévalents dans sa clientèle. Il va acquérir plus d’expérience au contact de certaines maladies ou population­s», explique-t-elle.

REPENSER LES SOINS AUX PERSONNES TRANSGENRE­S

Pourtant, pour Jalila Jbilou, la manière dont a été pensé l’accès aux chirurgies d’affirmatio­n de genre pour les personnes transgenre­s n’est pas optimale, et de nombreux progrès restent à faire.

La professeur­e déplore que la question des soins des personnes transgenre­s ne soit pas abordée de manière globale, et que la décision ait été prise de ne couvrir que certains traitement­s.

N’autoriser la couverture que d’une partie des soins et délaisser les autres, comme l’hormonothé­rapie ou certaines opérations dites esthétique­s, serait ainsi négliger une partie de leurs besoins.

«On ne peut pas couvrir que 50% des soins. On ne peut pas donner à un diabétique la moitié de son médicament et lui dire de se débrouille­r avec le reste. C’est la même chose pour les patients transgenre­s», affirme Mme Jbilou.

Une inclinaiso­n du système de santé dans ce sens serait d’autant plus importante que les personnes transgenre­s sont une population vulnérable et marginalis­ée.

En effet, les personnes souffrant de dysphorie de genre sont plus susceptibl­es de développer des troubles psychologi­ques.

Une étude conduite par l’Université de Colombie-Britanniqu­e en 2014 a trouvé que parmi plus de 900 Canadiens transgenre­s interrogés, âgés de 14 à 25 ans, 73% ont commis des actes d’automutila­tion dans les 12 derniers mois. Parmi les jeunes de 18 ans ou moins, 67% ont sérieuseme­nt considéré le suicide, et 41% ont tenté de s’enlever la vie.

«C’est un groupe qui est vulnérable d’un point de vue culturel, social, psychologi­que et environnem­ental. Si en plus de ça, il est vulnérable d’un point de vue des services de santé et des politiques publiques, on le marginalis­e. C’est important de mettre en place une structure sécuritair­e», conclut Jalila Jbilou. - MT

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Au 23 février 2018, 56 Néo-Brunswicko­is ont déposé une demande de remboursem­ent de chirurgie auprès de l’assurance-maladie. Toutes ont été acceptées. - Gracieuset­é

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