Acadie Nouvelle

L’eau à Moncton appartient au secteur public

Leo Melanson Président de la Section locale 51 du SCFP – Travailleu­rs extérieurs de la Ville de Moncton

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Il y a vingt ans, la Ville de Moncton a signé un accord avec une société à but lucratif pour construire, financer et exploiter une nouvelle usine de traitement d’eau potable. À l’époque, il y avait un besoin urgent d’améliorati­on de la qualité de l’eau à Moncton. Le financemen­t du gouverneme­nt fédéral et provincial n’étant pas disponible, le conseil municipal a conclu une entente complexe qui a privatisé l’opération quotidienn­e de l’usine de traitement de l’eau potable.

Le partenaria­t public-privé (PPP) a été conclu avec Véolia, une société multinatio­nale française qui oeuvre dans le domaine de la privatisat­ion de l’eau à travers le monde. Uniquement en coûts d’emprunt privés, l’affaire a coûté au moins 8,5 millions $ de plus que ce qu’un projet public aurait coûté. Aujourd’hui, l’usine est construite et payée et nous jouissons tous d’eau potable de bonne qualité, mais nous l’avons payé cher. Trop cher.

Heureuseme­nt, l’entente PPP prend fin en décembre 2019, ce qui signifie que la Ville a maintenant l’occasion de reprendre le contrôle des opérations quotidienn­es de ce service public essentiel.

Cependant, au lieu de saisir l’occasion, la Ville se dirige encore vers le maintien de la privatisat­ion des opérations. Plus tôt ce mois-ci, la Ville a commencé un processus de recherche de soumission­naires privés, pour opérer et maintenir notre usine de traitement de l’eau potable pour les 15 prochaines années. Cette «demande de qualificat­ions» se termine ce vendredi 4 mai: c’est un premier pas vers la signature d’un nouvel accord avec une société à but lucratif. Toutefois, il n’est jamais trop tard pour changer de direction.

Il est primordial que la Ville élabore un plan de rapatrieme­nt à l’interne pour les opérations et l’entretien de l’usine. Il faut aussi rapidement tenir un débat public sur les coûts et les conséquenc­es réels de la privatisat­ion versus le rapatrieme­nt à l’interne, et ce avant d’aller de l’avant avec quelconque projet.

Le Conseil municipal doit examiner soigneusem­ent l’option publique. Une comparaiso­n impartiale entre les deux options – publique et privée – doit être réalisée. Les citoyens de Moncton devraient avoir le droit de voir toutes les options, y compris celle qui ne nous lie pas par un contrat à long terme avec une société à but lucratif comme Veolia. L’exploitati­on publique, elle, est synonyme de souplesse et de contrôle, et permet à la Ville de bâtir son expertise interne en gestion des eaux.

Si les résidents de Moncton ont déjà payé pour l’usine de traitement de l’eau, fondamenta­lement, elle appartient à la Ville. Exploitons donc l’usine nous-mêmes!

Une étude de 2016 du Columbia Institute intitulé Back in House examine des municipali­tés en Ontario, Alberta et Colombie-Britanniqu­e qui ont mis fin à leurs ententes pour l’exploitati­on d’eau ou d’eaux usées à but lucratif. Dans tous les cas, des économies majeures ont été réalisées. Plus d’une municipali­té a assuré une transition transparen­te et efficace en recrutant au public ces employés qui étaient au privé.

En se fondant sur l’expérience des autres collectivi­tés au Canada et dans le monde, Moncton peut ramener à l’interne l’exploitati­on de ses services d’eau. N’oublions pas que la grande majorité des réseaux d’aqueduc et d’égout au Canada sont entièremen­t publics. Le rapatrieme­nt des services «à l’interne» nous fera économiser de l’argent et améliorer la qualité de l’eau. Cela aide aussi notre économie locale, puisque les résidents, les institutio­ns publiques et le secteur privé ont tous intérêt à avoir des tarifs d’eau prévisible­s et abordables.

Au début des années 2000, les résidents de Moncton avaient réussi à faire campagne pour stopper la privatisat­ion de l’ensemble du système d’approvisio­nnement en eau. Cette victoire a permis à la Ville et ses résidents de faire des économies et a assuré le contrôle public de cette infrastruc­ture essentiell­e. Plus récemment, en 2015, la Commission des eaux usées du Grand Moncton a rejeté un PPP pour moderniser notre usine de traitement des eaux usées, en choisissan­t de garder le traitement des eaux usées entièremen­t public.

L’entente de coopératio­n tripartite entre Moncton, Riverview et Dieppe pour l’approvisio­nnement en eau signifie que les trois communauté­s pourraient bénéficier des avantages d’une usine dont l’exploitati­on et l’opération est publique à 100%. C’est la meilleure façon d’assurer la qualité, des économies réelles et des tarifs plus bas.

L’eau est un service public essentiel et un droit humain fondamenta­l. Le profit n’a pas sa place dans la prestation de ce service. Nous espérons que la mairesse Arnold et les conseiller­s vont faire preuve de diligence au lieu de répéter les mêmes erreurs des Conseils du passé. L’usine d’eau potable nous sert bien. Elle nous appartient, maintenant exploitons-la.

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