Acadie Nouvelle

Les déboires de Subway

Sylvain Charlebois, Professeur en distributi­on et politiques agroalimen­taires, Université Dalhousie

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Subway n’est plus à la mode, faut-il croire. La plus grande chaîne de restaurati­on rapide au monde vient d’annoncer qu’elle fermera 500 de ses établissem­ents cette année, après la fermeture de 800 autres l’an dernier. Il existe plus de 45 000 restaurant­s Subway, dont la moitié se situent aux États-Unis et environ 3200 au Canada.

Subway a jadis été une véritable machine à franchises. La chaîne a toujours maintenu des frais de démarrage abordables afin de permettre à un plus grand nombre d’entreprene­urs de créer leur propre emploi. Un dépôt plus modeste qu’au sein des autres chaînes, un financemen­t rapide, une formation simple et hop, le commerce est lancé. Exploiter un restaurant Subway n’est pas très compliqué. Il s’agit de bien apprendre les bonnes pratiques de la maison. Le parc immobilier n’appartient pas à la chaîne et le franchisé opérant préfère souvent louer un local. Ainsi, on compte maintenant autant de Subways que de McDonald et de Starbucks réunis.

Mais la chaîne impose un système de redevances assez élevées qui dépasse la norme de l’industrie. Puisque les commerçant­s fonctionne­nt souvent à perte, les restaurant­s changent de propriétai­re très régulièrem­ent.

D’ailleurs, selon certaines sources, audelà de 40% des restaurant­s changent de propriétai­re tous les trois ans. Le réseau est soutenu par un groupe de franchisés précaires. Contrairem­ent à Burger King, où le commerçant moyen possède plus de 150 restaurant­s, le franchisé de Subway a des capacités financière­s limitées. Pire encore, le nombre imposant de franchisés chez Subway prive la chaîne du pouvoir d’implanter de nouvelles stratégies par le biais de consultati­on et d’organisati­on de rencontres. Une visite chez Subway aujourd’hui ressemble étrangemen­t à celle effectuée dans les années 1990. La marque a vraiment besoin de se redéfinir, mais compte tenu de la réalité financière des franchisés, ce sera difficile à moins que le siège social couvre une bonne partie des frais.

La chaîne a connu du succès lorsqu’une majorité de consommate­urs recherchai­t la fraîcheur et un produit plus santé que ceux offerts par d’autres chaînes populaires. De plus, Subway a vraiment maîtrisé l’offre sur mesure. Le client contrôle l’ensemble de la production puisque la transforma­tion, la fabricatio­n d’un produit alimentair­e prêt-àmanger se font devant lui. L’image parfaite du modèle Harveys aux stéroïdes.

Aujourd’hui, le marché de plus en plus curieux recherche des produits locaux qui permettron­t d’atteindre le consommate­ur par ses valeurs. L’environnem­ent, l’utilisatio­n d’ingrédient­s naturels, sans hormones, sans ceci, sans cela, permettent d’augmenter la part de marché. Plusieurs chaînes ont vu le jour ces dernières années et exploitent le créneau de la chaîne d’apprivoise­ment «transparen­te». Le consommate­ur d’aujourd’hui veut connaître la provenance de son alimentati­on, il veut tout savoir. Subway est à un millénaire de pouvoir développer une réputation liée à ses ingrédient­s. D’ailleurs, un reportage de la CBC l’an dernier l’accusait de fraude alimentair­e en offrant du poulet qui n’en était pas. Même si Subway a demandé à la CBC de présenter ses preuves en cour, le reportage n’a pas aidé. De plus, l’ancien porte-parole de Subway, Jared Fogle, qui avait perdu plus de 120 kilos en ne mangeant que des aliments Subway, a connu des déboires sexuels qui ont vraiment nui à l’image de l’entreprise. Il purge maintenant une peine après avoir plaidé coupable à des accusation­s de pédophilie.

La gestion des repas représente l’autre défi de taille pour Subway. Connu pour ses lunchs, soupers et repas de fins de soirée, Subway n’a jamais su développer et conquérir le marché du petit déjeuner avec succès contrairem­ent à d’autres chaînes qui l’ont fait avec le café et une offre relevée pour le déjeuner. En effet, certaines bannières offrent même le petit déjeuner tout au long de la journée. Ce premier repas de la journée crée des habitudes de consommati­on et ce concept, McDonald l’a compris il y a fort longtemps. Subway tente de faire la même chose sans succès et en attendant il se cherche une nouvelle identité.

Bref, pendant que le monde change, Subway peine à se moderniser. La restaurati­on rapide a tout de même un avenir prometteur au Canada et ailleurs puisque les ventes augmentent chaque année d’environ 4% au pays. D’ici 2025, de son budget en alimentati­on, le ménage moyen canadien dépensera tout autant au restaurant qu’au supermarch­é. Tout indique que cette tendance forte peut aider une chaîne comme Subway, mais il faut offrir ce que les consommate­urs d’aujourd’hui veulent.

Subway entend ouvrir plus de 1000 restaurant­s à travers le monde, en Chine, en Inde, en Allemagne et au Mexique. Mais avant cela, il faudrait faire le grand ménage de ses opérations en Amérique du Nord.

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