Blindés à l’Arabie saoudite: les permis sont rétablis
On peut s’attendre à ce que le régime saoudien continue à utiliser des véhicules blindés de fabrication canadienne pour mener des «opérations sécuritaires internes légitimes» comme il l’a probablement fait lors d’une opération menée l’été dernier dans l’est du pays.
Mais comme il a été impossible de déterminer que des violations de droits de la personne ont été commises contre la minorité chiite et que l’opération «semble être terminée», les permis d’exportation des véhicules qui avaient été suspendus ont été réinstaurés.
C’est qu’ont conclu deux sous-ministres d’Affaires mondiales Canada dans un rapport d’investigation partiellement caviardé rendu public lundi après-midi par le bureau de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.
La diplomate en chef du Canada avait ordonné une enquête après que le Globe and Mail eut rapporté, en juin dernier, que l’Arabie saoudite aurait utilisé pour réprimer la minorité chiite de l’est du pays des véhicules Gurkha construits en Ontario par Terradyne Armored Vehicles.
À l’issue de cette investigation, les hauts fonctionnaires ont conclu que des Gurkhas ont pu être utilisés pendant cette «opération sécuritaire» de juillet dernier, mais que les forces saoudiennes avaient pris soin de «minimiser les pertes de vie civiles».
L’ambassadeur du royaume à Ottawa et le ministre saoudien des Affaires étrangères ont tous deux «mis l’accent» là-dessus et sur le fait que l’opération a été menée «en réponse à une réelle menace de sécurité», lit-on dans le rapport en anglais frappé de la mention «secret».
Une source militaire non identifiée dans le document gouvernemental a pour sa part argué que l’offensive était «équilibrée, nécessaire, opportune» compte tenu du niveau de la menace dans le secteur.
Et puisque «l’opération sécuritaire semble être terminée, le risque de victimes (civiles) dans l’avenir est minimal», notent les sousministres Ian Shugart et Tim Sargent, respectivement aux Affaires étrangères et au Commerce international.
«Il est raisonnable de s’attendre à ce que le Royaume d’Arabie saoudite continue à utiliser des Gurkhas pour atténuer les risques de sécurité pendant la conduite d’opérations sécuritaires internes légitimes», arguent-ils.
Bien que certaines des séquences vidéo scrutées par les fonctionnaires «semblent montrer des tirs en provenance d’armes montées sur les véhicules, il n’est pas clair que les tirs viennent des Gurkhas fabriqués au Canada», note-t-on dans le rapport.
Les images semblent démontrer que les véhicules «avaient été modifiés de manière à pouvoir transporter des armes de petit calibre (par exemple, des mitraillettes, vraisemblablement de calibre ,50 ou l’équivalent)», car «ils ont été exportés sans ces caractéristiques», ajoute-t-on.
On mentionne aussi, dans le mémo de 10 pages, qu’«en dépit de son bilan en matière de droits de la personne, l’Arabie saoudite demeure un partenaire important du Canada dans la région», et que la relation commerciale entre Ottawa et Riyad est «importante et croissante».
Compte tenu des conclusions de l’enquête, les fonctionnaires ont donc recommandé que les permis d’exportation de Terradyne Armored Vehicles, qui avaient été suspendus «le jour même» de la publication de l’article du Globe and Mail, soient «rétablis».
Cette recommandation a été approuvée par Mme Freeland le 4 décembre 2017, selon le mémo.
La ministre ne s’était initialement pas engagée à rendre ce rapport gouvernemental public lorsqu’elle a fait état de ses conclusions devant le comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en février dernier.
La porte-parole néo-démocrate en matière d’affaires étrangères, Hélène Laverdière, a descendu le rapport en flammes et invité le ministère à «refaire ses devoirs». Car cette «semi-analyse» donne «les impressions d’une commande», a-t-elle martelé en entrevue.
«Vraiment, c’est d’un amateurisme... c’est vraiment incroyable! Et si le gouvernement pense que le conflit interne en Arabie saoudite est terminé, il fait erreur», a-t-elle laissé tomber à l’autre bout du fil.
L’élue néo-démocrate estime qu’Ottawa doit «suspendre toutes ses ventes d’armes» au royaume, car il existe un «risque raisonnable» que l’équipement soit utilisé pour commettre des violations des droits de la personne, dans l’est du pays comme au Yémen.