Les inondations printanières risquent de devenir routinières
Les inondations records que connaît le Nouveau-Brunswick ce printemps sont un rappel inquiétant que les changements climatiques élimineront les vieilles habitudes de vie, affirment les spécialistes de l’environnement.
«La réalité est que les gens s’attendent à ce que le monde soit tel qu’il était, mais ce n’est pas le cas», rappelle Louise Comeau, professeure à l’Université du Nouveau-Brunswick et membre d’un groupe national sur l’adaptation aux changements climatiques.
Lorsque les eaux se retireront, les gouvernements provincial et fédéral devront informer franchement les propriétaires que les prochains printemps risquent de ressembler à celui de cette année, fait valoir l’hydrologue John Pomeroy, directeur du programme mondial des contrats d’approvisionnement en eau de l’Université de la Saskatchewan.
«Quand une inondation de cette ampleur survient, c’est souvent le bon moment pour proposer aux propriétaires sinistrés de déplacer leur maison des zones à risque», souligne M. Pomeroy.
Le Nouveau-Brunswick souffre d’inondations records, la montée des eaux ayant forcé la fermeture de la route transcanadienne entre Moncton et Fredericton.
«Le phénomène des inondations a l’air de prendre de l’ampleur», indique M. Pomeroy, qui travaille sur de nouveaux modèles de cartographie des futures inondations, en collaboration avec un réseau de scientifiques universitaires qui étudient les plus grands fleuves du pays.
L’hydrologue souligne que le public a besoin de comprendre que les niveaux historiques de l’écoulement de l’eau ne sont plus des guides pour l’avenir.
Passer d’une météo hivernale à un mercure de 26 degrés en quelques jours comme on l’a vu en avril sont les signes de changements climatiques qui favorisent les inondations.
Le comité législatif provincial sur le changement climatique a cité des modèles informatiques qui prédisent que d’ici 2100, la température annuelle moyenne du NouveauBrunswick augmentera de 5° C.
Parallèlement, les tempêtes de neige et de pluie seront plus fréquentes et plus intenses, augmentant ainsi la quantité d’eau qui circulera au printemps dans le réseau hydrographique.
Évidemment, ces tendances ne sont pas les seules causes de l’inondation des rivières, mais les températures et les précipitations saisonnières plus élevées augmentent les risques, affirme Al Pietroniro, hydrologue principal d’Environnement Canada.
«Partout dans le pays, il y a une accélération de ce que nous appelons le cycle de l’eau. Cela signifie que, parce que l’atmosphère se réchauffe, nous constatons une augmentation des précipitations», a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique avec Canadian Press.
Comeau, qui a rédigé des études sur l’impact du changement climatique dans sa province, dit qu’elle soupçonne que les inondations attendues tous les 30 ans ont maintenant plus de chances d’être «une fois tous les cinq ans, voire tous les deux ou trois ans».
Elle dit que toutes les régions du NouveauBrunswick ont maintenant des histoires d’inondations à partager.
GESTION «PAR DÉSASTRE»
En 2014, en réponse aux inondations récurrentes, le gouvernement du N.-B. a publié une stratégie sur les risques d’inondation, notant que de 2008 à 2014, la province a connu une «multiplication par trois des programmes d’aide aux sinistrés provoqués par les inondations» et 100 millions de dollars en coûts directs.
Selon Blair Feltmate, directeur du Centre Intact sur l’adaptation au climat à l’Université de Waterloo, «le Nouveau-Brunswick a une attitude de gestion par désastre».
«Le Nouveau-Brunswick semble se précipiter pour s’attaquer au risque quand il se produit, puis, après l’événement, le gouvernement se détend et attend la prochaine catastrophe.» Selon Jason Thistlethwaite, professeur adjoint à la faculté de l’environnement de l’Université de Waterloo, les municipalités établissent des règlements de zonage et perçoivent des recettes provenant des taxes foncières, mais c’est Ottawa qui paie pour la majeure partie des efforts de secours en cas de catastrophe.
«Il est bon de produire de l’information (cartes d’inondation), mais finalement, il est difficile pour une municipalité d’imposer des exigences de développement lorsque sa principale source de revenus est l’impôt foncier des nouveaux développements.