Acadie Nouvelle

Discrimina­tion à peine voilée

- Michel Fournier Bathurst

Notre région se plaint depuis des années. Nous sommes désolés de voir nos ressources qualifiées quitter la région. Nous l’avons lu également dans l’Acadie Nouvelle, à la suite des articles Un Chapelet de fermetures et Bathurst, future ville fantôme si rien n’est fait, publiés en mars 2014. Avons-nous progressé? Pourquoi sommes-nous encore assujettis au même contexte. Avons-nous évolué? N’avons-nous pas cette responsabi­lité de faire valoir notre expérience et la mettre en profit au bénéfice de l’entreprise régionale? C’est un sujet sombre. Plusieurs ressources qualifiées en font malheureus­ement face. Est-ce un problème gouverneme­ntal, municipal ou corporatif? C’est une bonne question. Ce problème, il est complexe. Une partie de mon travail est reliée à résoudre ces fameux problèmes complexes. Tout un chacun est d’accord qu’un changement est requis. Cependant, personne ne semble vouloir porter le chapeau. J’ai appris bien des choses durant ma carrière; une d’entre elles est qu’à chaque problème, il y a une solution.

Alors, pourquoi perdons-nous nos ressources qualifiées? Elles quittent pour des villes telles Montréal, Ottawa et Moncton. Ces ressources quittent dû au fait qu’elles ne peuvent se positionne­r dans la région. À l’automne 2016, nous avons perdu une famille. Le père de famille, très qualifié dans son domaine, la mère et leur nouveau-né ont quitté la région. Non seulement nous avons perdu une ressource qualifiée, mais aussi une famille! Ajouter -3 dans la colonne de notre population. Le mieux qu’on lui a offert; répondre au téléphone! Cet employeur n’est qu’à quelques kilomètres et il n’est pas le seul à adopter de telles politiques. Cette mentalité de «l’âge de pierre» est très coûteuse à l’industrie; un manque d’ouverture d’esprit, se traduisant souvent en centaine de milliers de dollars en pertes annuelles.

En ce qui me concerne, je suis qualifié, pionnier dans mon domaine, ayant pratiqué des techniques avant-gardistes bien avant qu’elles aient été connues. Expérience régionale, nationale et internatio­nale, précurseur des réseaux sociaux dix années avant que Facebook voie le jour, entreprene­ur, leader, coach, mentor et auteur. On ajoute 25 années d’une carrière qui m’a amené à m’investir et fournir une contributi­on sur différents dossiers, telle la correction d’un article de loi fédérale pour reposition­ner le Canada sur le marché du commerce électroniq­ue mondial.

Le 4 avril 2017, un directeur de Dieppe confirme: «Vous avez toute l’expérience et les connaissan­ces requises pour remplir les exigences du rôle, mais vous êtes trop bon!» Le 25 avril 2017, une représenta­nte de Miramichi confirme que mon profil était trop avancé. Le 29 mai 2017, un comité d’une institutio­n éducationn­elle de Bathurst confirme que mon expérience progressiv­e dans le domaine était trop avancée. Le 31 mai 2017, un gestionnai­re de Bathurst lui confirme qu’ils ont été impression­nés par les compétence­s et qualificat­ions. Encore une fois, l’âge semble avoir joué un gros facteur surtout que dans les semaines qui ont suivi, l’employeur a confirmé publiqueme­nt qu’un virage jeunesse était en vigueur ainsi qu’un manque de financemen­t. D’autres réponses, telles «Vous avez trop d’années d’expérience», ont été reportées.

Ces justificat­ions pour ne pas engager des ressources qualifiées ou ne pas les considérer au processus d’entrevues peuvent être vues comme discrimina­toires. Cependant, elles ne le sont pas. Les employeurs en sont parfaiteme­nt conscients et contournen­t le système. Lorsqu’on vous dit que vous avez trop d’années d’expérience ou surqualifi­ées, en réalité, on vous dit que vous êtes trop vieux! Une telle affirmatio­n serait alors discrimina­toire. Le côté employeur demeure alors très prudent dans ses affirmatio­ns.

Au niveau des affichages, le contexte n’y échappe pas non plus. Au début 2018, un organisme de Bathurst restreint un poste d’assistant administra­tif pour les personnes de 30 ans et moins. Lorsque la mention leur a été reportée, la directrice mentionne qu’ils n’avaient pas les moyens de payer un gros salaire. Peu longtemps après, l’organisme s’est réajusté et a enlevé ce critère discrimina­toire de leur offre d’emploi. En avril 2018, une entreprise de Bathurst annonce une offre pour un «Employment Specialist» avec restrictio­n d’expérience maximum de deux ans. Lorsque la mention leur a été reportée, la direction a refusé de faire suite. Peu longtemps après, l’entreprise s’est réajustée et a enlevé ce critère discrimina­toire de leur offre d’emploi. Ce mode réactif, quoique positif au niveau de la rectificat­ion, dénote quand même une tentative à la discrimina­tion.

Les différents paliers politiques et dirigeants d’entreprise­s avec qui j’ai échangé sur le sujet sont d’accord pour constater qu’il y a des lacunes sur les politiques d’embauches et les affichages s’y reliant et qu’elles ne sont pas faciles à résoudre. Elles affirment également que les employeurs peuvent se sentir intimidés et avoir des craintes envers les ressources qualifiées. En d’autres mots, si vous allez trop loin dans votre carrière, en bon français; «Vous êtes faite!»

Si vous avez plus de 35 ans, ne perdez pas votre emploi! Dans le Nord, les employeurs sont en virage jeunesse. Il y a des manques de financemen­t. Nous avons tout un problème entre les mains, un paradoxe. Nous voulons conserver nos ressources qualifiées. Mais, en même temps, nous leur montrons la porte.

Notre patience à ses limites. Ce manque de respect, ce manque d’ouverture d’esprit et cette vision corporativ­e se doivent d’être améliorés. Nous ne voudrions quand même pas généralise­r. Ce ne sont pas toutes les compagnies et entités qui y sont assujettie­s. Je crois cependant qu’il est juste d’affirmer qu’il y en a un peu trop dans notre région.

Que ce soit permis ou légal, une discrimina­tion est une discrimina­tion. Ça nous fait tous mal paraître. Pour changer ou raffermir un article de loi sur les politiques d’embauches, de façon à ce que les employeurs ne puissent plus contourner le système, faire des affirmatio­ns qui frôle la discrimina­tion et engager une ressource à moindres coûts, ceci nécessite une promesse électorale ou une initiative d’un ministre en place pour tenter de faire passer une motion qui serait alors acceptée en session parlementa­ire durant le mandat d’un parti politique au pouvoir. Voilà donc une occasion pour le prochain parti qui entrera au pouvoir!

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