Programme extra-mural: des questions sans réponses
Odette Landry Professeure retraitée (Université de Moncton)
M. Benoît Bourque, ministre de la Santé, j’accuse réception de votre lettre du 19 janvier 2018 en réponse à celle qui vous était adressée le 11 décembre 2017 concernant la privatisation du Programme extra-mural (PEM).
Votre lettre présente les objectifs de la privatisation, mais ne répond pas aux préoccupations exprimées dans ma lettre. Elle n’explique pas pourquoi des millions de dollars ont été investis dans Medavie plutôt que dans Vitalité qui demandait 1,5 million $ depuis trois ans pour informatiser le dossier-patient. Cette initiative aurait permis d’améliorer la collaboration entre tous les services du réseau et améliorer ainsi l’accessibilité aux services du PEM. Votre lettre ne répond pas non plus à l’affirmation voulant que Medavie, dont la langue de travail est l’anglais, ne peut respecter la dualité linguistique exigée par la Loi sur les langues officielles.
L’absence de réponses laisse entendre que la décision de privatiser le PEM a été prise sans tenir compte de ces questions. Pourtant, tout indique qu’il faut investir dans le réseau Vitalité et non dans Medavie. D’abord et avant tout parce qu’il faut maintenir le PEM dans le système public sous la gouverne de Vitalité. Parce que le système public est redevable à la population tandis que l’entreprise privée ne l’est pas. Le système public répond à l’intérêt général des populations tandis que toute entreprise privée vise le profit. Selon la Loi canadienne sur la santé, tous les Canadiens et toutes les Canadiennes ont droit à des services de santé offerts par le système public. Le réseau Vitalité est l’entité compétente responsable de gérer les services de santé offerts à la communauté francophone. Il assure la qualité des services de santé en français «en tout temps» en respectant la dualité linguistique exigée par la Loi sur les langues officielles tandis qu’Ambulance NB (ANB), gérée par Medavie, ne le fait pas.
Sous la gouverne de Vitalité, le PEM comptait un haut taux de satisfaction auprès des bénéficiaires tant pour la qualité des services que pour leur accessibilité en milieu rural et urbain.
Par opposition, ANB affiche une performance médiocre tant sur le plan d’accessibilité aux services ambulanciers que des services en français. Pas moins de 14 000 appels sont restés sans réponses dans les derniers trois ans. Les services en français ne sont pas offerts «en tout temps» et même pas quand nécessaires. Cette situation semble être tolérée par les gouvernements. Alors ça n’augure pas bien pour l’avenir du PEM.
On ne peut comprendre pourquoi le gouvernement a confié la gestion de ce programme à une firme qui n’a pas de compétences équivalentes à celles de Vitalité et qui ne respecte pas la Loi sur les langues officielles.
D’autant plus que Vitalité pouvait améliorer l’accessibilité aux services du PEM en informatisant le dossier-patient et pouvait ainsi répondre à l’objectif principal visé par la privatisation.
Le principal motif évoqué pour justifier la privatisation, soit celui d’une meilleure accessibilité aux services du PEM, ne tient pas la route. Aucun résultat d’analyses permettant d’identifier un problème d’accessibilité n’a été présenté à la population. En fait aucun problème n’a été identifié. Seuls des objectifs ont été présentés et ces objectifs sont les mêmes que ceux visés par Vitalité.
Il semble que la privatisation ait été faite en fonction du système informatique moderne de Medavie sans égard à la qualité éventuelle des services de santé en français. Car les services en français «en tout temps» ne peuvent être assurés que par une dualité linguistique réelle telle qu’exigée par la Loi sur les langues officielles. Dans ce contexte, les gouvernements doivent donner pleins pouvoirs au réseau Vitalité et non les diminuer. Des options permettant de maintenir le PEM dans le réseau Vitalité auraient dû être explorées. Pour ce faire, une communication ouverte et respectueuse était nécessaire.
Le PEM doit réintégrer le réseau Vitalité auquel il appartient. Les droits des bénéficiaires de ce programme incluent l’assurance d’obtenir des services de santé de qualité en français «en tout temps». Vitalité offre cette assurance. Medavie ne l’offre pas.