Les saisonniers affirment faire face à un nouveau «trou noir»
Bien qu’ils soient de retour au travail depuis quelques semaines, des travailleurs d’usine de la Péninsule acadienne craignent déjà de ne pas pouvoir accumuler suffisamment d’heures cet été pour être admissible aux prestations de l’assurance-emploi.
Une manifestation, organisée par le Comité d’action sur l’assurance-emploi de la Péninsule acadienne, a rassemblé près d’une quarantaine de personnes mercredi matin près de l’usine Ichiboshi, à Caraquet.
L’entreprise transforme surtout le crabe des neiges.
En raison des mesures mises en place pour protéger les baleines noires, dont la fermeture statique d’une zone de 1960 milles nautiques carrés dans le golfe du Saint-Laurent, plusieurs crabiers se trouvent actuellement plus près des côtes des Îles-de-la-Madeleine que celles du Nouveau-Brunswick. En conséquence, plusieurs préfèrent débarquer leur crabe sur les quais des Îles-de-la-Madeleine et des travailleurs d’ici ont du mal à accumuler des heures de travail.
Actuellement, un travailleur de la région économique Restigouche-Albert, dans laquelle est située la Péninsule acadienne, doit obtenir 490 heures pour toucher à un minimum de 23 semaines d’assurance-emploi.
«Les gens se plaignent qu’ils ne font pas beaucoup d’heures. Les gens sont inquiets», explique Jean-Maurice Leclair, président du syndicat des employés d’Ichiboshi.
Dans les circonstances, M. Leclair s’estime assez chanceux.
«Je travaille un peu plus parce que j’ai un peu plus d’ancienneté, mais je retire à peu près ce que je retire du chômage, ce qui est seulement 55% du salaire normal.»
Francine Dignard, une employée saisonnière, partage son temps entre deux usines de la région pour joindre les deux bouts. Malgré ses efforts, elle n’y arrive pas, dit-elle. Depuis le début mai, elle n’est pas encore parvenue à récolter 40 heures de travail dans une semaine.
«Je travaille dans deux shops à la fois et je ne travaille même pas 40 heures. J’ai de la misère à avoir mes timbres. Ça n’a pas d’allure», témoigne-t-elle.
Fernand Thibodeau, porte-parole du Comité d’action de l’assurance-emploi, parle même d’une sorte de «trou noir» alternatif.
«Le trou noir est viré à l’envers. Cet hiver, on a manifesté pour trouver une solution au «trou noir» de l’assurance-emploi. Maintenant, on se trouve dans le trou noir du sansemploi. S’il y a quelqu’un qui vient nous dire que les travailleurs saisonniers sont paresseux, comme certains l’ont dit, c’est complètement faux. Ils se rendent à leur emploi et il n’y a pas de travail pour eux.»
M. Thibodeau demande une intervention des gouvernements provincial et fédéral dans le dossier.
«Les gens font face à une grande incertitude. On demande au gouvernement du Nouveau-Brunswick d’aller voir Dominic LeBlanc et d’autres leaders provinciaux et fédéraux pour qu’il ait des projets pilotes offrant des salaires convenables.»
À la fin avril, une première rencontre, dont l’objectif était de mettre sur pied une table de concertation de l’assurance-emploi, a eu lieu à Caraquet en présence du ministre provincial Gilles LePage. Aucun représentant du fédéral, qui gère le dossier de l’assurance-emploi, n’avait participé à la rencontre.
«On veut qu’Ottawa nous délègue des représentants fédéraux qui seront capables de répondre à nos questions. C’est le fédéral qui doit légiférer», avait déclaré le ministre LePage.
Trois semaines plus tard, Fernand Thibodeau affirme toujours attendre un suivi de la part du ministre LePage.
«Je pense que le gouvernement du Nouveau-Brunswick doit prendre ses responsabilités.»
L’Acadie Nouvelle a tenté d’obtenir plus d’information sur les démarches en cours de la part du gouvernement provincial. Le ministre LePage dit prendre le dossier au sérieux, mais il n’a pas réfuté les déclarations affirmant qu’il n’y a pas eu de suivi avec le fédéral depuis la rencontre de la fin avril.