Acadie Nouvelle

Ottawa prêt à soutenir Trans Mountain financière­ment

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Plusieurs autres investisse­urs sont prêts à se lancer dans le projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain si Kinder Morgan Canada choisit de se retirer du dossier – et ils auraient alors l’appui du gouverneme­nt fédéral pour le faire, a indiqué mercredi le ministre des Finances, Bill Morneau.

Le gouverneme­nt libéral de Justin Trudeau est prêt à «offrir une indemnité» à tout investisse­ur, qu’il s’agisse des concepteur­s originaux du projet ou d’autres acteurs, afin de s’assurer que l’oléoduc controvers­é puisse aller de l’avant, a précisé M. Morneau lors d’une conférence de presse.

Cette annonce, qui survient la journée même où Kinder Morgan Canada tenait l’assemblée annuelle de ses actionnair­es, pourrait être une façon d’accroître la pression d’un cran à l’approche de la date limite du 31 mai fixée par l’entreprise de Calgary. Le projet Trans Mountain de 7,4 milliards $ triplerait la capacité de transport de pétrole lourd par cet oléoduc qui relie l’Alberta au port de Burnaby, en Colombie-Britanniqu­e.

Face à l’opposition croissante du gouverneme­nt de la Colombie-Britanniqu­e, des groupes environnem­entaux et des manifestan­ts – sans compter la nervosité des investisse­urs –, la société a interrompu, le mois dernier, toutes les dépenses jugées non essentiell­es pour ce projet.

«Nous sommes prêts à indemniser l’expansion de Trans Mountain pour les retards non nécessaire­s qui sont politiquem­ent motivés», a affirmé M. Morneau – une référence à l’opposition persistant­e du premier ministre britanno-colombien John Horgan. «Si Kinder Morgan ne souhaite pas construire le projet, nous croyons que plusieurs autres investisse­urs seraient prêts à le reprendre, particuliè­rement en sachant que le gouverneme­nt fédéral croit qu’il représente l’intérêt primordial des Canadiens et qu’il est prêt à verser des indemnités pour s’assurer qu’il soit construit.»

Le ministre a ajouté que les investisse­urs avaient besoin de certitudes pour appuyer un tel projet, mais il a refusé de donner des précisions sur le montant d’une éventuelle aide financière. En outre, M. Morneau n’a pas directemen­t répondu à une question visant à savoir comment un investisse­ur ou une entreprise pourrait s’emparer d’un projet d’expansion pour un oléoduc existant qui a déjà un propriétai­re.

Le ministre des Finances participai­t jusqu’à mardi à des discussion­s intensives avec les responsabl­es de Kinder Morgan. Les deux parties n’ont cependant pas encore trouvé de terrain d’entente sur une éventuelle aide financière du fédéral. «Les discussion­s avec Kinder Morgan se poursuiven­t – et nous faisons tout en notre pouvoir pour obtenir une entente d’ici la date limite du 31 mai.»

Le chef de la direction de Kinder Morgan, Steven Kean, a pour sa part affirmé qu’il avait «apprécié» l’annonce faite par le ministre Morneau mercredi matin. M. Kean n’a pas commenté davantage le dossier et a refusé de s’adresser aux journalist­es à la sortie de la première assemblée annuelle de ses actionnair­es depuis son essaimage de l’américaine Kinder Morgan, l’an dernier.

HORGAN NE BRONCHE PAS

Le premier ministre néo-démocrate de ColombieBr­itannique, John Horgan, a réitéré mercredi sa position: protéger les intérêts de la province. Son gouverneme­nt a demandé à la Cour d’appel si la province avait le droit constituti­onnel de protéger son environnem­ent en réglementa­nt le transport interprovi­ncial de matières dangereuse­s.

Le chef des néo-démocrates fédéraux, Jagmeet Singh, qui n’a jamais caché l’opposition de son parti au projet Trans Mountain, a soutenu mercredi que les libéraux «donnent un chèque en blanc à une compagnie particuliè­re du Texas».

«Ils font porter tous les risques à la population canadienne et à notre environnem­ent. Il s’agit de profits privés et de risques publics, a-t-il dit à Toronto. Le ministre des Finances refuse de plafonner les versements aux actionnair­es de Kinder Morgan. Il n’y a pas de limites (...) Maintenant, tous les risques sont (pour) la population canadienne et notre environnem­ent et les profits (sont pour) le privé. C’est clair maintenant qu’on ne devrait pas construire cet oléoduc.»

La porte-parole conservatr­ice en matière de ressources naturelles, Shannon Stubbs, a soutenu de son côté que «seul Justin Trudeau pouvait prendre un projet que les Canadiens soutiennen­t, qui crée des milliers d’emplois et qui aide notre économie, et le faire financer par les contribuab­les».

«Kinder Morgan n’a jamais demandé l’argent des contribuab­les ou un filet de sécurité fédéral, a-t-elle plaidé. L’entreprise veut seulement une certitude, une clarté et une solution aux défis et aux retards continus. Rien de ce qu’a dit le ministre des Finances aujourd’hui n’assurera que le projet Trans Mountain soit réalisé.»

Chez Greenpeace, on croit que «même Kinder Morgan ne veut pas aller de l’avant avec ce projet destructeu­r».

«La signature d’un chèque en blanc à Kinder Morgan aux frais des contribuab­les équivaut à jeter de l’argent par la fenêtre pour un très mauvais projet, et les Canadiens ne devraient pas assumer les lourdes pertes que ce dernier entraînera», a indiqué Patrick Bonin, responsabl­e de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace. «Ce projet ne va nulle part. Le gouverneme­nt fédéral devrait limiter ses pertes plutôt que de les doubler.»

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