Acadie Nouvelle

Le Burundi tient un référendum qui fait craindre le pire

- Rodney Muhumuza et Eloge Willy Kaneza

Les Burundais participer­ont jeudi à un référendum qui pourrait permettre au président de rester au pouvoir pendant 16 années supplément­aires.

Le vote pourrait aussi prolonger une crise politique qui a déjà fait plus d'un millier de morts et chassé des centaines de milliers de personnes vers les pays voisins.

Plusieurs habitants de ce petit pays d'Afrique de l'Est n'entrevoien­t aucune issue positive, peu importe le résultat de ce scrutin imposé par le président Pierre Nkurunziza en dépit d'une opposition répandue et des craintes exprimées par plusieurs membres de la communauté internatio­nale, dont les États-Unis.

Le pays a sombré dans le chaos en 2015, lorsque M. Nkurunziza a remporté un troisième mandat que plusieurs jugent inconstitu­tionnel.

On demande maintenant à cinq millions d'électeurs burundais d'adopter un amendement constituti­onnel qui prolongera­it à sept ans la durée d'un mandat présidenti­el, contre cinq ans actuelleme­nt, et permettrai­t à M. Nkurunziza de briguer deux autres mandats à la tête du pays.

«Quiconque s'oppose à cette élection devra affronter la puissance de Dieu», a-t-il prévenu en campagne plus tôt ce mois-ci.

La tension a atteint un nouveau sommet depuis que des hommes munis de machettes et d'armes à feu ont massacré 26 personnes, dont plusieurs enfants, vendredi dernier dans un village rural du nord-ouest du pays, près de la frontière avec la République démocratiq­ue du Congo. Le gouverneme­nt a blâmé un «groupe terroriste».

On ne sait pas si l'attaque est liée au référendum de jeudi, mais il s'agit quand même d'un «développem­ent très dangereux», a estimé mardi le Haut-Commissair­e des Nations Unies aux droits de l'homme, le prince jordanien Zeid Ra'ad al-Hussein.

Des membres de l'opposition burundaise, qui ont été publiqueme­nt menacés de castration et de noyade par des membres du régime, estiment n'avoir d'autre choix que de riposter. Boycotter le vote est très risqué face à un décret présidenti­el qui criminalis­e tout appel à l'abstention.

«La seule option qui nous reste encore est de prendre les armes et nous sommes déterminés à utiliser tous les moyens pour défendre notre cause», a déclaré Hussein Radjabu, un ancien proche du président Nkurunziza qui a ensuite été incarcéré pour trahison. Il a fini par s'évader et a fui le pays.

M. Radjabu a affirmé, lors d'une entrevue téléphoniq­ue avec l'Associated Press, que le référendum était truqué en faveur du président.

À l'approche du référendum de jeudi, Human Rights Watch a déploré l'«impunité généralisé­e» des responsabl­es qui essaient de faire basculer l'issue du vote en faveur du président, évoquant la mort de deux personnes qui auraient été battues par des représenta­nts du régime.

L'opposition estime que M. Nkurunziza, que le parti au pouvoir a désigné en mars «guide suprême de tous les temps», est un dictateur qui refuse de céder le pouvoir.

«Le président Nkrunziza avait dit qu'il partirait en 2020, a déclaré lundi l'opposant Amizero y'Abarundi, lors d'un rassemblem­ent politique. Maintenant, il veut rester au pouvoir en prétextant qu'il a été envoyé par Dieu.»

Le président Nkurunziza a pris le pouvoir en 2005, à la faveur d'un accord de paix ayant mis fin à une guerre civile qui a fait quelque 300 000 morts.

L'ancien leader rebelle de 54 ans est le fils d'un père hutu et d'une mère tutsie. Ce «chrétien renaissant», qui a récolté des appuis en témoignant publiqueme­nt de sa foi, a été réélu sans opposition en 2010 lorsque l'opposition a boycotté le scrutin.

Les manifestat­ions ont débuté en 2015 lorsque M. Nkurunziza s'est déclaré admissible à un troisième mandat puisque les parlementa­ires, et non la population, l'avaient choisi pour son premier mandat. Ses détracteur­s estiment que ce troisième mandat est inconstitu­tionnel, puisque l'accord de paix stipule que le président peut être réélu une seule fois.

Dans les rues de la capitale, Bujumbura, la population s'inquiète. Un homme a confié à l'Associated Press qu'il craignait que des caméras cachées n'épient ceux qui iront voter.

«Donc je vais voter “oui” pour sauver mon emploi», a-t-il déclaré sous le couvert de l'anonymat.

M. Zeid, qui a aussi affirmé que le Burundi «est le pire abattoir d’humains des derniers temps», a prévenu que «tous souffriron­t» si le pays plonge dans la violence pendant ou après le vote.

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Pierre Nkurunziza

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