Acadie Nouvelle

DES PARCOURS DU COMBATTANT

- simon.delattre@acadienouv­elle.com @Simon2Dela­ttre

À quelles barrières se heurtent les nouveaux arrivants lors de leurs premiers pas au Nouveau-Brunswick? Comment les aider à s’intégrer? L’Acadie Nouvelle a questionné trois immigrants en marge du Sommet sur l’immigratio­n de l’Atlantique à Moncton. Voici leur parcours.

Mike Timani, aujourd’hui un entreprene­ur respecté à Moncton, vient de loin. Il a quitté le Liban dans les années 1980 alors que la guerre civile divisait le pays.

«Il a fallu attendre plusieurs mois avant que je puisse obtenir un permis de travail, racontet-il. J’avais dépensé tout l’argent que j’avais apporté et j’ai obtenu un prêt de 800$ d’un cousin. Lorsque mon permis est arrivé, j’étais à environ 50$, c’était une situation difficile.»

L’homme d’affaires a commencé comme débarrasse­ur de tables pour la chaîne d’hôtel Hilton Internatio­nal.

«Chaque immigrant a une histoire unique, mais c’est rarement facile de quitter ses racines. Quand je suis arrivé ici, j’étais tout seul et je pensais constammen­t à la famille que j’avais laissée derrière. Dans mon cas, ç’a été beaucoup de travail pour m’offrir un avenir.»

Neuf ans plus tard, Mike Timani lançait Fancy Pokket, une entreprise qui fait des pitas, des pains plats, des bagels et des tortillas dans la région de Moncton. À l’époque, son petit commerce comptait trois employés. Il emploie désormais 70 personnes, dont 27 nouveaux arrivants.

Pas moins de 10 nationalit­és sont représenté­es dans l’entreprise. «On parle arabe, espagnol, anglais, français donc on peut s’adapter. Mais l’apprentiss­age de la langue est essentiel pour s’intégrer vraiment», souligne-t-il.

UNE MONTAGNE DE BUREAUCRAT­IE

Originaire de Belgique, Nicolas Bertrand est arrivé au Canada en 2012 avec sa femme Erika Cantu et leur fils nouveau-né. Comme pour beaucoup d’immigrants, quitter son pays pour un autre est comme un saut dans le vide. Arrivés au Canada avec rien ou presque, ils partaient de zéro.

Leurs démarches auprès d’Immigratio­n et Citoyennet­é Canada se sont transformé­es en un interminab­le parcours du combattant. Le couple a dû obtenir cinq permis de travail successifs avant de pouvoir décrocher le statut de résidents permanents. Leur dossier est resté bloqué pendant plus de trois ans.

«Il y avait chaque fois une embûche, un changement de loi, un employé qui n’a pas vu la pièce jointe, un papier perdu, un document manquant», énumère Nicolas Bertrand.

L’immigrant a été momentaném­ent interdit de travailler puis séparé pendant plusieurs mois de sa femme qui ne pouvait plus retourner au Canada après avoir visité sa famille au Brésil.

Le couple a remué ciel et terre pour que leur dossier de résidence permanente avance plus rapidement. C’est finalement une lettre de la députée fédérale Ginette Petitpas-Taylor qui a permis d’obtenir l’approbatio­n du ministère.

«Notre permis expirait dans quelques semaines, nos valises étaient prêtes pour quitter le Canada. C’était horrible parce qu’on avait tout quitté pour construire notre vie ici et notre rêve était sur le point de s’écrouler», raconte Nicolas.

Nicolas Bertrand pointe du doigt le manque de ressource au sein de l’administra­tion fédérale. «Ils travaillen­t comme des fous, ils ont des piles de dossiers», dit-il.

Il reproche aussi aux agents d’immigratio­n d’embellir la situation du Nouveau-Brunswick lors de leurs missions à l’étranger.

«On vend du rêve aux immigrants, on leur dit que tout est beau, que tout est rose et que ça va être facile de trouver un emploi dans son domaine. Ce n’est pas vrai.»

Malgré tout, tous les deux occupent désormais un emploi stable, l’un au Conseil multi- culturel du Nouveau-Brunswick, l’autre au sein de l’organisme Centraide.

LA VALEUR D’UNE MAIN TENDUE

Le Sommet sur l’immigratio­n était organisé par le Ballet-théâtre atlantique du Canada qui connaît bien la réalité des nouveaux arrivants. Le chorégraph­e et cofondateu­r de la compagnie, Igor Dobrovolsk­iy, est venu d’Ukraine il y a 17 ans.

Sept des huit danseurs profession­nels sont immigrants, originaire­s de Russie, de Moldavie, du Brésil, du Japon, de la France, d’Angleterre et du Kirghizist­an.

C’est ce petit pays d’Asie centrale qu’a quitté il y a six ans Eldiyar Daniyarov, un danseur de ballet hors pair, pour rejoindre la troupe de Moncton.

Lors de ses premiers pas au NouveauBru­nswick, l’artiste a pu s’entourer d’autres russophone­s venus d’Ukraine, d’Arménie et d’Ouzbékista­n. Igor et sa femme Susan l’ont alors pris sous leur aile et l’ont aidé à démarrer sa nouvelle vie.

«Remplir la paperasse a été très difficile pour moi, mon anglais était vraiment limité à l’époque, se souvient Eldiyar. J’ai reçu beaucoup de soutien de la part du Ballet-théâtre. Je me considère comme un immigrant particuliè­rement chanceux, tout le monde n’a pas la chance d’avoir cette main tendue.»

Eldiyar Daniyarov se sent aujourd’hui complèteme­nt intégré et espère désormais obtenir la citoyennet­é canadienne.

«Je veux vivre comme n’importe quel autre Canadien, ici je me sens plus libre de dire ce que je pense», lance-t-il.

Gêné par des problèmes de genou, il envisage de mettre un terme à sa carrière. La direction du Ballet-théâtre lui a proposé de devenir maître de ballet et de transmettr­e son art aux talents de demain.

«Ils ont créé le poste spécialeme­nt pour moi. Ç’a été un choc. Je ne m’attendais pas à une telle opportunit­é!»

Nicolas Bertrand est convaincu que les NéoBrunswi­ckois ont un rôle à jouer pour aider les nouveaux arrivants à s’intégrer. «Il faut que les locaux prennent le temps d’expliquer les règles non écrites, comment la vie fonctionne... Ce qui est normal ici ne l’est pas forcément pour quelqu’un qui vient d’une autre culture.»

« Nous sommes passés par des situations de stress immense et on a perdu beaucoup d’argent. Il a fallu persévérer. »

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Mike Timani est particuliè­rement ouvert à donner du travail aux nouveaux arrivants. - Acadie Nouvelle: Simon Delattre
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Eldiyar Daniyarov restera toujours attaché au pays qui l’a vu naître. - Acadie Nouvelle: Simon Delattre
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Nicolas Bertrand a dû persévérer pour décrocher sa résidence permanente. - Acadie Nouvelle: Simon Delattre
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