ENCOURAGER À BIEN MANGER NE SUFFIT PAS
Plus d’un enfant néo-brunswickois sur trois (36%) est en surpoids ou obèse. Face à cette crise de santé publique, certains professionnels appellent les pouvoirs publics à sévir contre la nourriture hypertransformée et non nutritive.
Le taux d’obésité a triplé chez les jeunes Canadiens au cours des 30 dernières années. Parmi les responsables, des aliments peu coûteux, surchargés de sucre et de gras, très facilement disponibles et promus à l’aide de campagnes publicitaires tapageuses.
Plusieurs centaines de professionnels du monde de la santé, de la nutrition, de l’activité physique et de l’éducation étaient réunis à Moncton, mercredi, pour trouver des solutions à cette épidémie.
«Le problème est que nous vivons dans un monde dans lequel la malbouffe est omniprésente et presque impossible à éviter», observe Dr Yoni Freedhoff, directeur de l’Institut médical bariatrique à Ottawa.
«Pour manger sainement dans ce monde, il faut faire différemment des autres, alors que ce devrait être l’inverse.»
Hypertension, maladies cardiaques, cancers, diabète, les impacts d’une mauvaise alimentation sont bien connus et pèsent lourd sur le système de santé. Malgré tout, les décideurs demeurent passifs face aux dommages causés par l’embonpoint et de l’obésité.
Yoni Freedhoff voudrait voir de nouvelles réglementations, comme une taxe sur les boissons sucrées, l’interdiction des publicités de malbouffe ciblées auprès des enfants ou encore empêcher les enseignes de restauration rapide de s’installer à proximité des écoles
«La législation entourant le tabac a d’abord nécessité des discussions et des bouleversements», note-t-il.
«Et une fois qu’il y a eu une discussion suffisante au sein de la population, les législateurs ont pu se faire les champions du changement, et nous verrons cela aussi avec de la nourriture. Il faut pousser et ça pourrait prendre des décennies pour y arriver.»
Encourager les gens à bien manger ne suffit pas, estime Dr Freedhoff: il faut que le choix sain soit le plus facile à faire.
«Les enfants aiment la malbouffe, on ne va pas leur apprendre à préférer les brocolis aux biscuits. Ce qu’il faut changer, c’est l’environnement. Il faut que ces produits mauvais pour la santé soient moins présents.»
Il faut combattre la banalisation de la malbouffe auprès des jeunes, croit le scientifique. Bien des écoles organisent des collectes de fonds en vendant des cochonneries sucrées. Les options santé sont trop souvent absentes des arénas ou lors de compétitions sportives.
«Actuellement, il est normal de retrouver des boissons sucrées lors d’évènements sportifs scolaires. L’école apprend aux enfants qu’on a besoin de boissons sucrées pour faire de l’exercice. Il faut arrêter de perpétuer cette absurdité», plaide Dr Freedhoff.
Dre Sara Kirk, professeur de la promotion de la santé Université Dalhousie, note que l’obésité est trop souvent définie comme un problème individuel, dont la solution serait de manger moins et bouger plus. Ce point de vue entraîne un discours basé sur le blâme et la honte, explique-t-elle.
Trop souvent en position assise, trop de temps d’écran, trop peu de fruits et légumes, trop peu de variété alimentaire, trop de sucre, l’évolution de nos modes de vie pèse lourd.
«Le rythme de vie des enfants a changé de sorte qu’ils passent aujourd’hui beaucoup plus de temps en voiture et ne jouent pas autant à l’extérieur que les générations précédentes», souligne Dre Sara Kirk.
«Les avantages d’un repas sain à la maison, de l’activité physique et du jeu libre sont vraiment énormes, mais nos enfants n’en profitent pas assez. C’est choquant de voir des enfants touchés par un diabète de type 2.»
Diététiste à la Clinique jeunesse MotivAction de Moncton, Nicole Breau Martin aide des jeunes touchés par l’obésité à changer leurs habitudes. Elle constate que notre mode de vie de plus en plus sédentaire affecte l’état de santé de ses clients.
«Un des gros défis, c’est le temps passé devant l’écran, dit-elle. Un grand nombre de jeunes ont une dépendance aux jeux vidéo et aux cellulaires. On voit beaucoup de troubles du sommeil à cause de ça, ça a un impact sur l’activité physique, l’état de santé. On a aussi beaucoup de jeunes qui boivent des quantités énormes de boissons sucrées, jus de fruit, laits au chocolat...»
Selon elle, l’éducation à une alimentation saine doit se faire dès un très jeune âge. Les habitudes alimentaires acquises au cours de l’enfance ou de l’adolescence sont susceptibles d’être maintenues toute la vie durant.
L’implication de la famille est essentielle, ajoute Nicole Breau Martin.
«Cuisinez avec les enfants, faites-leur découvrir des aliments. Les parents devraient aussi inculquer aux enfants la valeur d’être dehors.»