INFORMATION OU PROPAGANDE?
SITE WEB DU GOUVERNEMENT DU N.-B. ET DE L’INDUSTRIE FORESTIÈRE
Glyphosate, coupes à blanc, le site InfoForêt.ca tente de rassurer la population sur les méthodes d’exploitation forestière. Faut-il voir dans cet outil financé en partie par les contribuables une communication au nom de l’intérêt public ou un instrument de propagande au service d’intérêts privés?
InfoForêt.ca se présente comme un groupe composé de scientifiques et de représentants du gouvernement et de l’industrie. Leur mission: défendre les pratiques forestières telles que la coupe à blanc ou l’épandage d’herbicides et répondre aux inquiétudes de la population en s’appuyant sur des recherches.
Parmi ses bailleurs de fonds, on retrouve le gouvernement fédéral et la province, mais aussi Forêt NB, qui représente une bonne partie de l’industrie forestière. L’entreprise J.D. Irving fait aussi partie des partenaires.
L’Acadie Nouvelle a demandé à deux chercheurs indépendants de se prononcer sur l’exactitude de l’information présentée au public. Martin Béland, professeur en sylviculture et écologie forestière à l’Université de Moncton, déplore le manque de nuances.
«L’information transmise sur le site d’InfoForêt est selon moi de la propagande proindustrielle, écrit-il. Ce n’est pas normal que les intérêts à court terme de l’industrie soient défendus au nom du gouvernement.»
Certaines affirmations publiées sur InfoForêt.ca ne font pas consensus parmi les scientifiques. On y lit par exemple que «sans l’utilisation d’herbicides, il deviendrait de plus en plus difficile d’avoir les forêts de résineux qui alimentent nos usines et de maintenir la grande diversité du paysage formé de forêts conifériennes, feuillues et mixtes.»
Les auteurs notent que seulement 33% des forêts exploitées sont traitées au glyphosate.
Martin Béland n’est pas de cet avis. Il fait valoir que le recours au glyphosate participe, au contraire, à la transformation des forêts acadiennes naturelles en des forêts plus uniformes répondants aux besoins de l’industrie.
«Le chiffre du tiers des zones déboisées détourne l’attention du public du fait que les proportions de plantations dans le paysage augmentent, plantations dans lesquelles les feuillus sont moins abondants que dans la forêt naturelle», souligne le professeur.
DES COUPES À BLANC BÉNÉFIQUES?
InfoForêt.ca nous explique également que la coupe à blanc (qui représente 80% de la récolte au Nouveau-Brunswick) est une pratique qui «imite les effets globaux de perturbations comme les feux de forêt» et que «ce type de perturbation manuelle contribue au maintien de forêts en santé et productives pendant de nombreuses années à venir».
Marc-André Villard, biologiste, étudie depuis de nombreuses années les effets des coupes à blanc et des plantations sur diverses espèces d’oiseaux. Selon lui, la comparaison n’est pas pertinente car les feux sont très peu fréquents dans la province.
«Il n’y a, pour ainsi dire, pas de cycle de feu naturel dans la province. La seule perturbation naturelle qui a altéré la forêt du N.-B. à grande échelle depuis des siècles est l’occurrence d’épidémies de tordeuse des bourgeons de l’épinette. Or, cet insecte laisse des quantités importantes de bois mort au sol, ce qui n’est pas le cas de la coupe à blanc. Ce bois mort joue un rôle pour de très nombreuses espèces de mammifères, d’oiseaux, d’insectes et de champignons.»
Marc-André Villard observe que le site passe sous silence le fait qu’une proportion importante des zones coupées est convertie en plantations.
«Les plantations ne sont pas des forêts, du point de vue écologique. Elles ne sont pas des «déserts biologiques», mais de nombreuses études font état de leur biodiversité réduite par rapport aux forêts naturelles comparables.»
Selon lui, le gouvernement d’une province et une compagnie privée ne devraient pas parler d’une même voix.