Campbellton: une traverse arc-en-ciel initiée par des jeunes
La journée a commencé sous les nuages, puis vint le soleil. Entre les deux, un arc-en-ciel.
À l’instar d’autres municipalités néobrunswickoises, Campbellton possède désormais sa traverse piétonnière aux couleurs du mouvement LGBTQ+. Et celle-ci sera bien en vue, soit tout juste devant le monument touristique le plus photographié du coin, la Plaza du saumon.
Le projet a été initié par l’organisme Jeunesse Restigouche ( JRY) qui, avec ce petit geste, tenait à célébrer et à souligner la diversité. Cet organisme a notamment fait les arrangements avec la Ville et opté pour cet emplacement, qui a la particularité de se situer à la frontière avec la province de Québec.
«Les touristes en provenance de la Gaspésie ne manqueront ainsi pas l’occasion de savoir qu’ils pénètrent dans une région inclusive», note Joni Lanteigne, coordonnatrice chez JRY.
En tout, près d’une quarantaine de personnes – dont plusieurs jeunes – ont tenu à assister à cette première, mardi.
Du nombre, Véronique Thibeault, mentor en inclusion scolaire au sein du District scolaire francophone Nord-Est. Selon elle, la mise sur pied d’une telle traverse peut être vue comme un geste banal, mais c’est tout le contraire.
«C’est d’abord une question d’éducation, car tous ne connaissent pas le drapeau arc-en-ciel qui se veut un symbole puissant de diversité et d’inclusion. Il rappelle à tous que cette région soutient chaque personne, peu importe ses différences», a-t-elle confié au journal.
Mme Thibeault a rappelé que les jeunes LGBTQ+ sont quatre fois plus susceptibles de se suicider que leurs pairs hétéro- sexuels. Ce risque est multiplié par huit lorsqu’on ajoute la variable de l’exclusion familiale.
«Des jeunes ont été harcelés verbalement et physiquement, ont été rejetés par leurs amis et même par leur famille. Et tout cela, simplement parce qu’ils ont voulu être eux-mêmes. C’est vraiment triste», exprime-t-elle.
Elle souligne par contre que les mentalités ont beaucoup évolué au cours des dernières années partout en province, y compris au Restigouche.
Au sein du DSF-NE, on estime à 3000 le nombre de jeunes appartenant à la communauté LGBTQ+, sans compter le personnel enseignant et non enseignant.
«On retrouve également des parents dits “homoparentaux” dans presque toutes nos écoles. C’est donc une réalité bien présente partout chez nous», ajoute Mme Thibeault.
Parmi ceux qui ont tenu à peindre un bout de traverse, on pouvait notamment reconnaître le chanteur acadien d’Atholville, Jean-François Soucy.
Celui-ci s’est notamment démarqué il y a déjà quinze ans (2003) avec la télé-réalité québécoise Cela fait d’ailleurs autant d’années qu’il a quitté la région. Pour lui, ce geste d’appui envers la communauté LGBTQ+ n’était pas dénué d’intérêt.
«Lorsque je suis parti d’ici, il n’y avait pas cette ouverture d’esprit», indique celui qui a affiché publiquement son homosexualité à l’âge de 21 ans.
«Je me souviens m’être fait intimider à l’école parce que j’étais différent, et ce, avant même que je sache réellement que j’étais gai. Je ne sais pas trop comment ça se passe aujourd’hui avec les jeunes et dans la communauté, mais il semble y avoir eu un progrès immense, une belle inclusion. À preuve, on peint aujourd’hui une traverse aux couleurs LGBTQ+. Et même si je ne vis plus ici, je tenais à participer à sa conception, car ça reste chez moi et c’est un si beau symbole», a-t-il souligné. Des jeunes du Restigouche ont participé, mardi, à la transformation de la traverse piétonnière sur le boulevard du Saumon à Campbellton. - Acadie Nouvelle: Jean-François Boisvert Victime d’intimidation plus jeune en raison de son orientation sexuelle, Jean-François Soucy, d’Atholville, tenait à être présent lors de la transformation de la traverse. - Acadie Nouvelle: Jean-François Boisvert
Il espère que les couleurs déteindront sur les gens encore réticents à accepter les différences.
Le jeune artiste organise par ailleurs le jeudi 28 juin un groupe de discussions destiné spécifiquement aux membres de la communauté LGBTQ+ adulte du Restigouche.
«Je veux leur parler de ma réalité, mais aussi voir comment eux vivent la leur dans la région, leurs défis et leurs succès. On parle de plus en plus d’ouverture d’esprit, d’acceptation, d’inclusivité, mais c’est souvent un discours axé sur les jeunes, dans les écoles. Chez les adultes, cela demeure dans certains cas tabou. Peut-être que les gens voudront rester plus anonymes, et c’est bien correct. Mais j’aimerais néanmoins entamer un dialogue», dit-il.
La causerie aura lieu à la salle Alma d’Atholville.