Acadie Nouvelle

ENTRE VIE PRIVÉE ET SÉCURITÉ

La multiplica­tion des caméras miniatures portées par les agents des forces policières municipale­s au NouveauBru­nswick soulève des questions en matière de protection de la vie privée et d’utilisatio­n judicieuse des ressources financière­s.

- Mathieu.roy-comeau@acadienouv­elle.com @roycomeau

La Force policière de Fredericto­n est sur le point de devenir le troisième corps de police municipale de la province à doter certains de ses agents de caméras corporelle­s.

À partir du 16 juillet, six policiers posséderon­t ces caméras qui leur permettent d’enregistre­r leur interactio­n avec le public et leurs collègues lorsqu’ils sont en patrouille ou lorsqu’ils mènent une enquête sur une scène de crime.

Ailleurs dans la province, la Force policière régionale de Kennebecas­is et le Service de police de Bathurst utilisent déjà ce genre de caméra depuis 2013 et 2016 respective­ment.

Le son et les images de ces caméras peuvent notamment être déposés en preuve lors d’un procès ou être utilisés lors d’une enquête interne quand un membre du public porte plainte contre un policier.

«C’est de la bonne informatio­n à donner aux procureurs de la Couronne», avance le chef adjoint de la Force policière de Fredericto­n, Martin Gaudet.

Les accusés ont plus souvent tendance à plaider coupable lorsqu’une partie de leurs méfaits sont captés sur vidéo, affirme-t-il.

«On sauve du temps. On sauve de l’argent à la communauté. Les policiers n’ont pas à aller en cour et ils passent plus de temps sur le chemin. C’est possible que ça désengorge les cours.»

La Ville de Fredericto­n va dépenser 196 000$ au cours des cinq prochaines années pour l’acquisitio­n et la gestion du programme de caméras corporelle­s et la formation du personnel.

À long terme, le chef adjoint Gaudet espère pouvoir doter d’une caméra chacun de ses patrouille­urs.

PAS LA PANACÉE

Les caméras corporelle­s sont toutefois loin d’être une panacée, selon un professeur de criminolog­ie de l’Université St. Thomas, Michael Boudreau.

«Il n’a pas encore été prouvé que c’est absolument l’outil le plus efficace pour la police. Ça ne remplace certaineme­nt pas les notes d’un policier sur une scène de crime», constate-t-il.

«Parfois, la vidéo n’est qu’une autre version des événements. Même si c’est une caméra, ce n’est pas un outil à toute épreuve. La caméra ne peut pas tout voir.»

C’est d’ailleurs pourquoi certaines municipali­tés comme Halifax ont décidé de ne pas avoir recours aux caméras corporelle­s après avoir fait une analyse des coûts et des bénéfices, fait valoir M. Boudreau.

De plus, les corps policiers ne font pas tous le même usage des caméras. Alors que dans certaines villes les caméras enregistre­nt chaque minute du quart de travail d’un policier, à Fredericto­n, la police a décidé de laisser aux agents le soin de déterminer quand un enregistre­ment s’impose.

Malgré des directives claires, Michael Boudreau craint que les policiers oublient parfois d’activer leur caméra dans le feu de l’action.

«Si la caméra est allumée à mi-chemin durant l’altercatio­n, on se retrouve avec seulement la moitié de l’histoire. Dans un cas comme celui-là, est-ce que ce genre de preuve est vraiment utile?», s’interroge le criminolog­ue.

L’existence de ces enregistre­ments pose également la question de la protection de la vie privée des individus.

VIE PRIVÉE

Le commissair­e à l’intégrité du NouveauBru­nswick, l’agent indépendan­t de l’Assemblée législativ­e chargé notamment de superviser la protection de la vie privée et des renseignem­ents personnels des citoyens par les institutio­ns publiques, suit de près ce dossier.

«Depuis quand même un bon bout de temps, le bureau à des inquiétude­s par rapport à l’adoption de cette politique des caméras corporelle­s des corps policiers», confie le commissair­e Alexandre Deschênes.

C’est pourquoi le commissari­at a élaboré en 2015 un guide des pratiques exemplaire­s concernant les caméras corporelle­s à l’inten- tion des policiers.

Le document aborde notamment la formation des policiers, l’utilisatio­n de la preuve et le stockage des images.

Les corps policiers traitent de cette question avec sérieux , assure le commissair­e Deschênes.

«Pour parler de Fredericto­n en particulie­r, ces gens-là sont vraiment proactifs auprès de notre bureau pour voir à ce que les recommanda­tions qui ont été faites dans le guide soient bien respectées.»

La Loi sur le droit à l’informatio­n et la protection de la vie privée permet également aux citoyens de porter plainte auprès du commissair­e s’ils sont d’avis que la police a fait une mauvaise utilisatio­n d’une vidéo dont il fait l’objet.

Au final, les caméras corporelle­s des policiers ne sont pas si différente­s des caméras de surveillan­ce qui se retrouvent déjà un peu partout, résume le chef adjoint Martin Gaudet.

«On entre dans les magasins et ça dit “Souriez, vous êtes filmés”. Je vais mettre de l’essence et il y a des caméras. Il y a des caméras partout.» ■

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Certains policiers de Fredericto­n porteront bientôt une caméra corporelle durant l’exercice de leurs fonctions. - Gracieuset­é
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