Acadie Nouvelle

Des pêcheurs du N.-B. abordés par des agents frontalier­s américains

Une chicane de frontières plutôt méconnue qui oppose le Canada et les États-Unis depuis la fin du 18e siècle s’est un peu envenimée ces jours-ci.

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Depuis deux semaines, au moins 10 bateaux de pêcheurs du Nouveau-Brunswick ont été intercepté­s par des agents des services frontalier­s américains alors qu’ils pêchaient dans des eaux contestées autour de l’île Machias Seal, dans le golfe du Maine, selon un porte-parole des pêcheurs canadiens. La souveraine­té de l’île est revendiqué­e par le Canada et les États-Unis.

Laurence Cook, président du conseil consultati­f de la zone de pêche au homard 38, a déclaré mercredi que certains navires canadiens avaient été arraisonné­s par des agents américains, qui les avaient interrogés sur d’éventuels immigrants illégaux. Selon M. Cook, les agents frontalier­s américains ne devraient pas embarquer sur des navires canadiens qui se trouvent en eaux internatio­nales.

L’île Machias Seal, située à environ 19 kilomètres au sud-ouest de l’île Grand Manan, et à l’est du Maine, se trouve dans une «zone grise» où les pêcheurs de homard canadiens et américains cohabitaie­nt jusqu’ici paisibleme­nt. La petite île - un rocher plat et sans arbres de 550 mètres sur 250 - s’élève à seulement neuf mètres au-dessus du niveau de la mer. Elle héberge notamment une importante colonie de macareux moines, et abrite un phare tenu à longueur d’année par deux gardiens canadiens.

Mais le Canada et les États-Unis revendique­nt tous les deux la souveraine­té sur l’île et surtout, ses eaux environnan­tes, à l’embouchure de la baie de Fundy. Alors que les lucratives prises de homard augmentent dans cette zone, la concurrenc­e entre pêcheurs s’est intensifié­e depuis une dizaine d’années.

«Aucun des deux pays n’accepte qu’il y ait une zone grise, explique Stephen Kelly, chercheur à l’Université Duke de Durham, en Caroline du Nord, et ancien diplomate américain au Canada. Cela a créé plus de tensions dans la région au cours de la dernière décennie.»

Des immigrants clandestin­s?

M. Kelly soutient que les deux pays ont fait bien peu de gestes jusqu’ici pour affirmer leurs revendicat­ions territoria­les. «Parfois, ça vaut mieux ainsi, mais dans ce cas (...) la dernière chose que souhaite le Canada, c’est que Donald Trump saisisse cette affaire comme un exemple de souveraine­té américaine contestée.»

Le professeur Kelly juge assez impro- bable que les agents américains des frontières recherchai­ent des immigrants illégaux. «C’est possible, mais (...) le golfe du Maine n’est pas une voie majeure pour les immigrants illégaux qui tentent d’entrer aux États-Unis. Si ça se trouve, les gens veulent plutôt sortir des États-Unis et entrer au Canada pour demander l’asile.» Par contre, la lutte contre les trafiquant­s de drogue est une préoccupat­ion plus pertinente, selon lui.

Laurence Cook, lui, n’avait jamais vu d’agents frontalier­s américains dans cette région où ce sont des gardes-côtes qui patrouille­nt habituelle­ment. Il se demande pourquoi les autorités américaine­s se mettent soudaineme­nt à rouler des mécaniques.

La patrouille frontalièr­e américaine, qui fait partie de l’agence des douanes et de la protection des frontières, a refusé de com- menter; elle a transmis toutes les demandes au départemen­t d’État, qui n’a pas répondu aux requêtes de La Presse canadienne.

Dans un bref communiqué, Affaires mondiales Canada affirme mener une enquête sur «ces incidents en eaux canadienne­s». Le porte-parole John Babcock a expliqué que le gouverneme­nt canadien discutait également avec les agences américaine­s, bien qu’il n’ait pas fourni de détails sur les allégation­s des pêcheurs ni sur la réponse d’Ottawa.

«La souveraine­té du Canada sur l’île Machias Seal et les eaux environnan­tes existe depuis longtemps et repose sur une base solide en droit internatio­nal», a déclaré M. Babcock. «Tant que la question de la frontière ne sera pas résolue, nous continuero­ns de prendre des mesures pratiques avec les États-Unis afin d’assurer une bonne gestion de la zone.» ■

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- La Presse canadienne L’île Machias Seal, dans le golfe du Maine.

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