Acadie Nouvelle

Brian Gallant: un «leader» en matière des langues officielle­s?

- Robert Melanson Président de la SANB

Dans une série de reportages récents, Radio-Canada a demandé aux politicien­s et aux politicien­nes qui s’affrontero­nt lors des prochaines élections provincial­es d’exposer la position de leur parti sur cinq thèmes qui touchent de près les citoyens et les citoyennes du Nouveau-Brunswick. Plus tôt cette semaine, notre diffuseur national a braqué les projecteur­s sur un enjeu qui risque de faire couler beaucoup d’encre lors de la prochaine période électorale: la question des langues officielle­s.

Lorsqu’interrogé, chaque candidat a choisi de mettre l’accent sur différents aspects du dossier. Tous ont réaffirmé, à différents degrés, l’importance du bilinguism­e, surtout en ce qui concerne l’accès à des services gouverneme­ntaux dans sa langue. À vrai dire, les réponses des partis de l’opposition n’avaient rien de surprenant, surtout en période préélector­ale où tous et toutes cherchent à séduire les électeurs de la province.

Toutefois, s’il y a un politicien qui a bien surpris par sa défense des langues officielle­s, c’est le premier ministre, Brian Gallant. Lors de son entrevue, M. Gallant a affirmé que le Nouveau-Brunswick est «sur la bonne voie», qu’il est «important de se tenir debout pour les langues officielle­s» et que son gouverneme­nt va tout faire pour améliorer l’applicatio­n de la Loi sur les langues officielle­s s’il est réélu. Du point de vue de la SANB, défendre les langues officielle­s lors d’une entrevue préélector­ale c’est une chose; les défendre concrèteme­nt une fois au pouvoir, sans prétexte électorali­ste, c’en est toute une autre.

Donc, après quatre ans au pouvoir, qu’en est-il du bilan du gouverneme­nt actuel en matière de langues officielle­s?

D’abord, il est clair que la stratégie politique des libéraux depuis la dernière élection a été d’éviter complèteme­nt la question des langues officielle­s dans la sphère publique. Cette stratégie a sans doute été conçue pour éviter la perception que ce gouverneme­nt à forte proportion acadienne gouvernera­it surtout pour les francophon­es de la province. Toutefois, en agissant ainsi, le gouverneme­nt crée plutôt l’impression inverse, soit qu’il néglige la population acadienne et francophon­e, tout en tenant son vote pour acquis.

D’ailleurs, l’incapacité du gouverneme­nt de réaffirmer publiqueme­nt et sans équivoque l’importance des langues officielle­s face aux discours anti-bilinguism­e qui se multiplien­t dans les derniers mois laisse un vide qui donne effectivem­ent un laissezpas­ser à ceux qui prêchent le recul du fait français dans notre province. Ici, on pense notamment aux récents propos de Blain Higgs sur le bilinguism­e et les «qualificat­ions profession­nelles», ainsi qu’à la montée du People’s Alliance of New-Brunswick, un parti ouvertemen­t anti-dualité qui a de fortes chances à remporter au moins un siège lors des prochaines élections. Il aurait été facile pour le premier ministre de dénoncer les propos de Higgs et d’Austin tout simplement en réaffirman­t le statu quo. Toutefois, en négligeant d’offrir un contredisc­ours, le premier ministre permet au discours de Higgs, Austin et compagnie de prendre racine sans entrave aucune.

Enfin, lors de son entrevue, M. Gallant a également parlé de l’importance du rapport annuel de la commissair­e aux langues officielle­s. Cependant, dans sa chronique du 25 juin, Pascal Raiche-Nogue de l’Acadie Nouvelle révélait que le ministre responsabl­e des langues officielle­s, lorsqu’interrogé, n’avait pas pris connaissan­ce du contenu du dernier rapport de la commissair­e, et ce plus de six heures après qu’il y avait eu accès. On parle du ministre responsabl­e des langues officielle­s! Il faut croire que le rapport de la commissair­e gagne magiquemen­t en importance lors d’une entrevue préélector­ale…

Voilà quelques exemples récents. M. Gallant est premier ministre de notre province depuis quatre ans. Depuis son élection, le gouverneme­nt provincial a privatisé le programme extra-mural, a sabré le budget de la commissair­e aux langues officielle­s, a négligé de défendre publiqueme­nt les acquis des francophon­es et j’en passe. Quand Brian Gallant parle «de gains réels» en matière de langues officielle­s depuis son élection, est-ce bien de cela qu’il parle?

Selon les lois de la province, le dossier des langues officielle­s est censé relever directemen­t du bureau du premier ministre. Si Brian Gallant souhaite «jouer un rôle de leader» en matière de langues officielle­s, il est grand temps qu’il mette la main à la pâte. Un pas dans la bonne direction serait de commencer à respecter le travail de la commissair­e aux langues officielle­s, d’écouter à ses recommanda­tions et de mettre sur pied un Secrétaria­t des langues officielle­s.

Cela dit, il reste trois mois avant l’élection de cet automne. Si Brian souhaite réellement être un champion des langues officielle­s, comme le disent si bien nos amis anglophone­s, it’s now or never.

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