Acadie Nouvelle

Un problème qui dépasse les appels d’offres

- Alain Otis Dieppe

L’Acadie Nouvelle du 5 juillet 2018 nous apprend, en page 14, ( Traduction­s bancales: Raymond Théberge rappelle le gouverneme­nt à l’ordre), que le gouverneme­nt fédéral produit des «traduction­s bancales», en particulie­r dans ses appels d’offres diffusés sur achatsetve­ntes.ca.

Ce n’est pas la première fois ni la dernière, que le gouverneme­nt se fait remonter les bretelles à ce sujet. Nous vivons dans un pays où règne le bilinguism­e, avec tout ce que cela comporte de bonnes choses et de moins bonnes en matière de langue.

Les erreurs relevées par le Commissair­e semblent bien mineures, du moins si j’en crois les exemples reproduits dans l’article. Erreurs tout de même, me direz- vous. Toutefois, il y a des erreurs bien plus graves et le commissair­e, malheureus­ement, n’y peut rien. Comment ne pas désespérer devant les «lait blanc Northumber­land» et «Nettoyer votre moteur en conduisant» que l’on voit trop souvent? Pourquoi, peuton se demander, bientôt 50 ans après la Loi sur les langues officielle­s, doit-on toujours déplorer pareilles bêtises? N’est-il pas permis d’espérer que la qualité linguistiq­ue des textes de l’administra­tion finisse par influencer la langue de tous les jours?

L’applicatio­n des langues officielle­s au Canada semble plutôt faire en sorte que l’on ait du français pour avoir du français. Si, après 50 ans de langues officielle­s, on traduit encore à plus de 85% vers le français, il y a lieu de craindre, à terme, que ce pourcentag­e atteigne 90%, voire 95%. Pourquoi pas? Je n’ai jamais entendu un seul mot pour envisager la promotion de l’autre langue officielle par la rédaction, par la production de contenu en français.

En réalité, pour avoir du bon français, il faut pouvoir s’en mettre sous les yeux. Le traducteur, occupé à traduire son texte, n’a pas nécessaire­ment le loisir de se reporter à des textes écrits en français pour s’inspirer. Les mémoires de traduction, qui font le plein au taquet de textes traduits, ont ce même défaut. On tourne dans la même eau, celle de la traduction. Pourtant, n’est-il pas logique de penser que pour apprendre le style et les termes techniques d’un domaine, il faudrait idéalement consulter des textes écrits en français?

Tant que l’on traduira vers le français autant qu’on le fait maintenant, on aura à déplorer les problèmes dont parle le commissair­e dans son rapport de juin. Bien sûr, dans une administra­tion, fédérale ou provincial­e, il faudra toujours compter sur la traduction. Je suis le premier à reconnaîtr­e qu’il n’y a pas toujours de gains d’efficacité à rédiger plutôt qu’à traduire, mais je crois qu’il est temps d’envisager sous cet angle aussi le développem­ent du bilinguism­e et de la dualité linguistiq­ue.

Le Commissair­e aux langues officielle­s pourrait-il songer à présenter et à promouvoir le recours à la rédaction en français pour régler certains problèmes de traduction bancale? Peut-être verrions-nous alors un jour disparaîtr­e une fois pour toutes le «lait blanc Northumber­land» et autres horreurs du genre?

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