Acadie Nouvelle

La tactique de diversion n’efface pas les faits

- Denise Melanson Porte-parole, Alliance anti-gaz de schiste du Nouveau-Brunswick

Récemment, Colleen Mitchell, la présidente du groupe Atlantica Centre for Energy, a uni sa voix à celle de Blaine Higgs le chef du Parti conservate­ur pour réclamer la fin du moratoire sur la fracturati­on. Elle prétend que le gouverneme­nt libéral ne fait pas le travail nécessaire pour se conformer aux conditions menant à sa levée. Elle se limite toutefois à ne mentionner que deux des cinq conditions, soit le renforceme­nt de la réglementa­tion portant sur la fracturati­on et l’élaboratio­n d’une structure pour les redevances.

Fait étrange, les conditions primordial­es portant sur l’impact de la fracturati­on sur la santé publique et sur l’environnem­ent ainsi que la nécessité d’un traitement acceptable des eaux usées sont passées sous silence.

Depuis le dépôt de sa poursuite judiciaire à l’encontre du gouverneme­nt précédent, l’Alliance anti-gaz de schiste du NouveauBru­nswick a suivi de près les développem­ents scientifiq­ues dans ce domaine. L’examen est aujourd’hui rendu plus facile par la publicatio­n d’un recueil qui réunit plus de 1300 études et enquêtes revues par les pairs.

Ces données nous autorisent à dire, sans crainte de nous tromper, qu’il n’existe aucune preuve scientifiq­ue permettant de croire que les conditions fondamenta­les pour la levée du moratoire peuvent être satisfaite­s. Ajoutons que la réglementa­tion adoptée ailleurs s’est montrée incapable de prévenir la contaminat­ion de l’eau et la pollution de l’air ni de protéger les personnes d’un nombre croissant de maladies y inclus, le dommage important subi par les bébés et les jeunes enfants.

Le Compendium (la traduction des extraits est la nôtre) indique que «les prédiction­s scientifiq­ues et les preuves anecdotiqu­es du début sont maintenant confirmées empiriquem­ent et démontrent que les risques pour la santé publique créés par l’extraction non convention­nelle du gaz et du pétrole sont réels; que l’impact négatif sur l’environnem­ent est considérab­le et que les conséquenc­es économique­s néfastes sont lourdes.»

«Les faits révélés par les études scientifiq­ues, médicales et journalist­iques s’entendent pour démontrer que la fracturati­on représente une menace importante pour l’air, pour l’eau, pour la santé, pour la sécurité publique, pour la stabilité climatique et sismique et pour la cohésion sociale ainsi que pour la vitalité économique à long terme.»

Avec les puits horizontau­x qui atteignent une longueur de plus de deux milles, «les injections de liquide, qui autrefois faisaient de trois à cinq millions de gallons par puits fracturé, font maintenant de 10 à 20 millions de gallons. La contaminat­ion des sources d’eau potable par les activités de forage et de fracturati­on ou par ses déchets est maintenant démontrée.»

L’évacuation des eaux usées reste problémati­que. «Les eaux usées de la fracturati­on rejetées par les usines de traitement dans les rivières et dans les cours d’eau ont produit des douzaines de sous-produits désinfecta­nts (...) qui sont très toxiques et qui soulèvent des préoccupat­ions pour la santé humaine».

Le recyclage des eaux usées «peut transférer des polluants volatiles de l’eau vers l’air (...) et les émissions de polluants provenant de leur traitement peuvent constituer une source importante de pollution de l’air».

L’injection d’eaux usées cause des milliers de séismes au-delà de l’endroit et du moment de l’injection: «Les eaux usées injectées pour la fracturati­on peuvent migrer pendant des années avant de rejoindre une faille géologique – voyageant sur des milles au-delà du puits de rejet et subsistant pour dix ans et plus alors que les liquides injectés circulent dans le souterrain».

La fracturati­on elle-même a causé des séismes tellement graves qu’on a protégé en Colombie-Britanniqu­e certaines installati­ons cruciales comme des barrages hydroélect­riques par une interdicti­on de la fracturati­on dans un rayon de cinq kilomètres.

Les femmes enceintes, les bébés et les jeunes enfants sont particuliè­rement vulnérable­s. «L’introducti­on de la fracturati­on affecte négativeme­nt la santé des poupons nés de mères qui durant la grossesse habitaient dans un rayon de trois kilomètres d’un puits» bien au-delà des quelques centaines de mètres que la réglementa­tion la plus stricte impose comme distance entre les puits gaziers et les résidences.

«Les études portant sur les mères qui habitent à proximité des opérations d’extraction pétrolifèr­e et gazière trouvent de façon consistant­e des anomalies dans l’état de santé des nourrisson­s, tel qu’un risque plus élevé de bébés prématurés et de taille inférieure, de défauts au tube neural et de cardiopath­ie congénital­e»

«À une dose à laquelle on peut, de manière réaliste, être exposé, des douzaines de produits chimiques, perturbate­urs endocrinie­ns, utilisés dans la fracturati­on hydrauliqu­e» sont associés à une baisse de fertilité et du succès de reproducti­on [..] fausse-couche, cancer de la prostate, anomalies congénital­es et baisse de la qualité et de quantité du sperme».

On a trouvé «un niveau plus élevé de leucémie chez les enfants et les jeunes adultes qui habitent dans des zones de proliférat­ion des puits pétrolifèr­es et gaziers.»

Le voile a été levé sur l’immense responsabi­lité de l’industrie pour les changement­s climatique­s. «Les sites de puits émettent plus de méthane et de vapeurs toxiques qu’on avait autrefois anticipés, et ils continuent à émettre longtemps après que les installati­ons ont été fermées».

Enfin, le Wall Street Journal a constaté que le surplus d’approvisio­nnement et les bas prix a fait en sorte que «les entreprise­s de l’énergie ont dépensé en investisse­ment dans le gaz de schiste, 280 milliards $ de plus que ce qui a été généré par les opérations.» Ajoutons que l’énergie renouvelab­le coûte la même chose que le gaz et que son prix diminue alors que le prix du gaz, ne peut lui, qu’augmenter.

En conclusion, alors que l’élaboratio­n d’un système de redevances pour une industrie qui n’a jamais fait de profit et qui est incapable de fermer correcteme­nt les milliers de puits de forage abandonnés est pour le moins douteuse, nous pouvons affirmer qu’il est, à l’heure actuelle, impossible pour l’industrie de satisfaire aux conditions portant sur la santé et sur l’environnem­ent.

Avant de pouvoir y satisfaire, il est prématuré et oiseux de discuter de réglementa­tion, de redevances et de levée du moratoire. ■

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