Acadie Nouvelle

Respecter la Charte

- Madeleine Delaney-LeBlanc Cap-Pelé

L’éditorial de l’Acadie Nouvelle du 29 mai dernier intitulé La liberté de penser continue de susciter chez moi la question suivante: L’état doit-il continuer de financer la pensée discrimina­toire? Je pense que c’est cette question qu’il faut poser face à la nouvelle exigence du gouverneme­nt fédéral en matière d’emplois d’été. Pour rappeler le contexte, le gouverneme­nt canadien a récemment modifié le formulaire de demande du programme Emplois d’été Canada en exigeant que les demandeurs cochent désormais une case attestant que «l’emploi et le mandat principal de l’organisme sont conformes aux droits de la personne et aux valeurs sousjacent­es à la Charte canadienne des droits et libertés». Le document précise que cela comprend «les droits en matière de procréatio­n».

Après avoir établi qu’il ne voulait pas ranimer le débat sur l’avortement, l’éditoriali­ste François Gravel affirme que la mesure ratisse beaucoup trop large en disant que «s’il est compréhens­ible d’exiger que l’argent ne serve pas à financer une cause en particulie­r, il n’est pas acceptable d’utiliser des fonds pour tenter de forcer des organisati­ons, religieuse­s ou autres, à accepter une certaine vision des choses.»

La raison d’être d’une charte des droits et libertés n’est-elle pas précisémen­t de changer les mentalités et de contrer les actions discrimina­toires? Est-il besoin de rappeler que ces organismes pratiquent depuis des temps immémoriau­x une discrimina­tion systématiq­ue et même dogmatique envers les femmes, les homosexuel­s et les groupes LBGTQ+? Quel contrôle devrait donc exercer le gouverneme­nt sur ces organismes pour s’assurer que les fonds ne soient pas utilisés pour promouvoir leurs croyances et leurs valeurs s’ils ne peuvent s’engager à respecter une partie aussi fondamenta­le de la Constituti­on canadienne?

En 1982, au moment de l’entrée en vigueur de la Charte, un moratoire de trois ans a été décrété pour permettre aux divers paliers de gouverneme­nt d’amender des lois et règlements discrimina­toires pour les rendre conformes à l’esprit de la Charte. Cette approche pourrait être envisagée s’il était pensable que les églises et organismes religieux puissent un jour arriver à changer.

Mais poser la question, c’est y répondre. Et la liberté de penser s’arrête là où commence la liberté de l’autre, dans ce cas-ci celle qui est fermement enchâssée dans notre Constituti­on. C’est pourquoi il est si important d’avoir une Charte des droits et libertés et que tous doivent la respecter. Personne ne devrait pouvoir s’y soustraire.

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