Acadie Nouvelle

Entre nous plutôt qu’avec Trump

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La Ville de St. Andrews a des allures de carte postale tellement ses attraits font le bonheur de ses résidents et des touristes. Souhaitons qu’ils contribuen­t à convaincre les premiers ministres du Canada de miser sur ce qui les rassemble plutôt que sur leurs divisions, alors que l’ombre d’une guerre commercial­e ordonnée par Donald Trump plane sur le pays.

Alors que dans les dernières années, la question du financemen­t de la santé a surtout occupé le plancher, on y discutera cette fois surtout de commerce interprovi­ncial.

Gageons que l’enjeu de l’éliminatio­n des barrières au transport d’alcool entre les provinces sera abordé. Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick a remporté une grande victoire quand la Cour suprême a jugé qu’il est en droit de limiter le nombre de bouteilles d’alcool qu’un individu peut importer d’une autre province.

D’autres sujets plus litigieux seront aussi discutés. Des provinces comme la Saskatchew­an et l’Alberta s’insurgent du fait qu’Ottawa a renouvelé pour cinq ans la formule de péréquatio­n, qui permet aux provinces pauvres d’offrir des services publics (santé, éducation, etc) d’aussi bonne qualité que celles qui sont mieux nanties.

Le grand défi de l’hôte du Conseil de la fédération cette année, Brian Gallant, sera de convaincre ses homologues de rester unis face à la menace américaine. Et de gérer les coups de gueule du nouveau premier ministre de l’Ontario, Doug Ford ainsi que de celui de la Saskatchew­an, Scott Moe, qui pourraient chercher à réaliser un coup d’éclat.

Or, les provinces ont plus que jamais besoin de trouver des solutions intérieure­s au climat protection­niste en vigueur aux ÉtatsUnis.

Le Nouveau-Brunswick a été l’une des premières victimes de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Peu après son arrivée au pouvoir, il a décrété des mesures punitives à l’endroit de l’industrie forestière canadienne.

Les quatre provinces de l’Atlantique ont traditionn­ellement droit à une exemption. Cette fois-ci, le Nouveau-Brunswick n’a pas eu droit à ce privilège, contrairem­ent à la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve.

À son crédit, le gouverneme­nt Gallant ne s’est pas tourné les pouces. Il a embauché l’ancien ambassadeu­r américain au Canada (devenu lobbyiste à Washington) David Wilkins. Grâce à celui-ci, M. Gallant a pu obtenir des accès directs, en face à face, avec le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross.

M. Ross est l’un des faucons de Donald Trump. Il privilégie le protection­nisme. S’il est illusoire d’espérer qu’il devienne un apôtre du libre-échange, ses rencontres avec Brian Gallant lui ont permis de voir notre industrie forestière d’un autre oeil plutôt que de continuer à la démoniser.

En rencontre éditoriale avec l’Acadie Nouvelle, Brian Gallant a affirmé avoir obtenu une oreille sympathiqu­e de la part du secrétaire au Commerce. Celui-ci lui aurait toutefois laissé entendre qu’il avait lui-même des défis politiques qui l’empêchaien­t de bouger trop vite dans ce dossier.

À quels défis particulie­rs Wilbur Ross faisait-il référence? Brian Gallant n’a pas voulu entrer dans les détails malgré notre insistance. On peut tout de même présumer que la présence d’un patron aussi imprévisib­le que Donald Trump limite la capacité d’action de tout le monde à Washington.

Le Canada l’a appris à la dure, il est impossible de se fier à la parole du président américain. En février, Justin Trudeau a été accueilli à la Maison-Blanche. Donald Trump lui avait alors assuré qu’il ne cherchait qu’à apporter de petits changement­s (tweaks) à l’Accord de libre-échange nord-américain.

Après le départ de M. Trudeau, il a toutefois recommencé à présenter l’ALÉNA comme étant le pire accord commercial de l’histoire des États-Unis.

Plus récemment, M. Trump s’est présenté à la réunion du G7 à Charlevoix, au Québec. Il a signé une déclaratio­n commune avant de la renier deux heures plus tard, en qualifiant le premier ministre du Canada de «très malhonnête».

Dans les circonstan­ces, le mieux à faire est de préparer l’après-Trump. Celle-ci surviendra au mieux dans deux ans et au pire dans six ans, en supposant que le prochain président sera moins chaotique.

Pour le Canada, cela signifie répliquer aux tarifs américains sur l’acier et l’aluminium canadiens, même si cela pourrait mener à une escalade et à d’autres tarifs (sur les automobile­s, notamment) et pousser notre pays en récession.

De son côté, le Nouveau-Brunswick doit continuer à vendre sa salade au Congrès, au Sénat et au secrétaria­t du Commerce en attendant le jour où les nuages seront moins gris et où un nouveau président sera moins hostile au libre-échange et plus ouvert à tenter de réparer les dégâts de son prédécesse­ur avec le Canada, l’Europe et la Chine.

Les premiers ministres canadiens doivent profiter de la rencontre de St. Andrews pour mieux faire face au protection­nisme américain. Nous avons de meilleures chances de nous entendre entre nous qu’avec une administra­tion qui change d’avis à chaque gazouillis rageur de son président.

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