Acadie Nouvelle

Pique-nique

Ce sont mes plus beaux souvenirs de vacances en famille: les pique-niques. Ça trône au sommet de mon palmarès. Avant les glissades d’eau, le cirque du Soleil, les marches en montagne. Rien ne remplace ces repas champêtres préparés avec soin et qui se prol

- scomo@nbnet.nb.ca

Ma grand-mère aimait les pique-niques. Pour elle, c’était sa façon de célébrer l’été. Lorsqu’on n’a pas les moyens d’aller au restaurant ou d’aller se faire dorer sur une plage du Maine, on peut au moins mettre le dîner dans un panier et aller le manger au bout du champ. C’est ce qu’elle faisait. Elle a transmis cet amour des repas en plein air à ma mère qui, sans trop de difficulté, a réussi à nous donner le goût d’en faire une tradition. Comme on dit, le bonheur c’est contagieux.

Parce qu’un pique-nique, c’est un condensé de bonheur. Il commence dès qu’on commence à le planifier. Plusieurs jours avant qu’il aura lieu, on l’imagine. On choisi le menu. Ensuite, on répartit les tâches. D’ici le jour J, on se demande quelle surprise l’un ou l’autre déposera dans son panier (ou dans sa glacière). Et souvent, les pique-niques se prolongent. Parce qu’il y a souvent des restes suffisants pour élaborer un autre repas le lendemain.

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Les pique-niques font partie de nos petites escapades annuelles en famille. C’est le premier repas qu’on prend ensemble. Souvent en route. Parfois arrivés à destinatio­n le premier jour. Le pique-nique a donc été préparé à la maison, mais avec la tête déjà au lieu d’arrivée.

Avec les années, le menu a changé. Au départ, presque tout était préparé à l’avance: les sandwichs coupés, les légumes pelés, les salades portionnée­s, etc. Arrivé au lieu du pique-nique, on distribuai­t le tout, chacun mangeait et on partait. Maintenant, on apporte ce qui est nécessaire pour préparer la table du buffet où chacun prépare son assiette selon son appétit et ses humeurs. On voit alors la personnali­té de chacun et son originalit­é.

C’est ainsi qu’on a pu inventer des bouchées qui pourraient faire rougir Ricardo. Une année, ma soeur avait apporté le restant de ses coques (frites la veille) pour les glisser dans un pain pita avec les condiments; cette année-là, elle a gagné le prix de l’innovation. L’année suivante, ma soeur nous a montré comment se servir des grandes feuilles de laitue romaine pour enrouler le poulet grillé avec les olives et les légumes. Les aires de pique-niques sont l’unique endroit où mes soeurs peuvent rivaliser avec ma mère pour préparer les meilleurs repas. Ce sont les petitsenfa­nts qui le disent!

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Le secret du bonheur en pique-nique? Le partage. Manger est un acte biologique, un acte d’appropriat­ion qui exclut l’autre; là où la nourriture est rare, les humains se battent et s’arrachent la nourriture. Il y a une condition pour que l’acte de manger devienne vraiment humain: manger ensemble. On reconnaît alors que l’autre a le droit de manger même s’il n’a pas gagné son pain (comme les enfants). Le repas pris ensemble nous apprend aussi que notre bouche n’est pas que mâchoire au-dessus de nos assiettes, mais aussi lèvres qui s’ouvrent pour le partage.

Le succès du pique-nique, c’est aussi parce qu’il est en plein air. Dehors, l’horizon est ouvert, les papilles aussi! Des restaurate­urs l’ont compris et prolongent leur salle à manger avec une terrasse. Mais il y a des lieux plus enchanteur­s que les terrasses des grands boulevards ou des rues principale­s pour manger dehors.

Ma famille et moi collection­nons les lieux de pique-nique comme d’autres font l’inventaire des terrains de camping où ils ont dormi. J’ai des souvenirs de piquenique dans plusieurs haltes routières sur la route qui mène à Québec. D’autres sur les plaines d’Abraham et sur la promenade Samuel-de-Champlain longeant le fleuve. Un souvenir précieux d’un pique-nique sur le flanc d’une montagne face au rocher Percé. D’autres sur une plage de Gaspé, sur les roches de Peggy’s Cove, etc.

Le lieu le plus mémorable demeure celui à l’ombre des grands saules à Grand-Pré. C’était bon! C’était beau! Comme un pied de nez fait à l’histoire de pouvoir savourer la vie à pleine bouchée dans ce lieu d’où nous avons été déportés. Voir les enfants courir et se lancer le frisbee sur ces terres, plonger dans la mémoire en visitant l’église historique, contempler la beauté du paysage de Grand-Pré… il est là le bonheur!

Dans quelques jours, plusieurs vont aller pique-niquer à Sainte-Anne-du-Bocage à l’occasion de la neuvaine et de la fête. Je pense qu’on devrait inclure ce repas plein air sur la liste des activités liées au succès du pèlerinage. À Sainte-Anne, certains allument des lampions; or, le pique-nique illumine de l’intérieur ceux qui y prennent part. Certains vont à la source; le piquenique quant à lui désaltère et étanche la soif de communion. Certains se confessent et participen­t à la messe; le pique-nique permet d’ouvrir les bouches pour confesser les merveilles de Dieu et de rassasier les faims profondes de bonheur.

Bon pique-nique! À Sainte-Anne ou ailleurs!

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Le secret du bonheur en pique-nique? Le partage. – Archives
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