Acadie Nouvelle

Une force stabilisat­rice

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Avec le décès de Raymond Frenette disparaît l’un des piliers des années de l’ancien premier ministre libéral Frank McKenna.

M. Frenette s’est surtout fait remarquer par le rôle qu’il a joué tout juste avant et après le règne de Frank McKenna.

Les plus vieux s’en souviennen­t, M. McKenna n’a pas été couronné chef du Parti libéral en 1985. M. Frenette était aussi candidat. Il s’agissait de sa deuxième tentative, après celle ratée de 1982.

Frank McKenna était le grand favori pour l’emporter et a d’ailleurs obtenu un peu plus de 1000 voix d’avance sur son adversaire.

Mais ceux qui ont assisté au congrès au leadership du Parti libéral cette année-là se souviennen­t surtout du discours de Raymond Frenette, celui d’un batailleur qui prévenait les membres du parti qu’après avoir élu par le passé Robert Higgins, Jos Daigle puis Doug Young, il était temps de cesser de miser sur de jeunes avocats et de plutôt choisir quelqu’un capable de vaincre Richard Hatfield (alors au pouvoir depuis 15 ans).

Dans la biographie Frank – La vie et la politique de Frank McKenna, l’auteur Philip Lee raconte à quel point les militants avaient été surpris et même ébranlés par la charge de l’aspirant-chef. Des années plus tard, Raymond Frenette a d’ailleurs avoué regretter son discours qui aurait pu mener à la division du parti au moment où il était si près de défaire le gouverneme­nt Hatfield.

Il a même avoué être heureux de ne pas avoir été élu chef. «Je ne pense pas que j’aurais pu accomplir la tâche requise», a-t-il avoué à l’auteur.

Frank McKenna avait toutefois vu dans cette charge une preuve que son adversaire était prêt à se battre jusqu’à la fin. «J’ai un immense respect pour Ray et ce respect n’a pas bougé d’un iota», avait-il déclaré après sa victoire.

Il avait placé sa confiance en la bonne personne. Raymond Frenette a été fidèle au nouveau chef pendant le reste de sa carrière politique et ne l’a jamais mis dans l’embarras.

M. McKenna a quitté son poste après 10 années de pouvoir. Raymond Frenette a ensuite tenu les rênes du pouvoir pendant sept mois, devenant ainsi le 28e premier ministre du Nouveau-Brunswick.

Un règne sans histoire, tombé dans l’oubli, mais pendant lequel il a montré ses qualités de rassembleu­r et de chef de gouverneme­nt. Il a remis à Camille Thériault un Parti libéral qui était alors au sommet dans les sondages et favori pour remporter les élections de 1999 (ce qui n’est finalement pas survenu).

Quelqu’un qui ferait l’erreur de se contenter de lire son curriculum vitae politique des années McKenna pourrait croire que M. Frenette n’a été qu’un politicien sans envergure parmi tant d’autres.

Il a d’abord été ministre de la Santé et des Services communauta­ires pendant quatre ans (1987 à 1991). Il est ensuite resté un peu plus dans l’ombre en occupant des postes moins prestigieu­x tels que leader parlementa­ire du gouverneme­nt, ministre des Affaires intergouve­rnementale­s et vice-premier ministre, un titre qui est surtout honorifiqu­e au Nouveau-Brunswick.

À titre comparatif, Bill Fraser est le ministre des Affaires intergouve­rnementale­s du gouverneme­nt Gallant, Stephen Horsman est le vice-premier ministre alors que Rick Doucet joue le rôle de leader parlementa­ire. Ce sont des députés capables, mais personne ne les présente comme étant les socles sur lequel s’appuie le premier ministre.

De son côté, Raymond Frenette n’était rien de moins que l’homme de confiance de Frank McKenna.

Il ne peut être considéré comme étant un transforma­teur ni un bâtisseur ayant la volonté de foncer tête première envers et contre tous. Il était plutôt une force stabilisat­rice. Il a apporté dès 1987 un vernis de crédibilit­é au «jeune avocat» qu’il venait pourtant de dénoncer lors du fameux congrès au leadership.

On ne peut sous-estimer l’apport d’une telle personne auprès d’un nouveau premier ministre qui n’avait pas encore fait ses preuves. Tant Shawn Graham (2006-2010) que Brian Gallant (2014 jusqu’à aujourd’hui) auraient grandement profité de la présence à leurs côtés d’une personne avec du vécu et surtout autant de crédibilit­é qu’en avait Raymond Frenette.

Il n’est pas certain que Robert Pichette (ancienne éminence auprès du premier ministre Louis J. Robichaud) aurait senti le besoin de faire sa fameuse déclaratio­n dans laquelle il avait traité le gouverneme­nt Graham de «bandes d’amateurs sans talent» si celui-ci avait eu le privilège de compter sur l’équivalent d’un Raymond Frenette à ses côtés.

Comme tout politicien au pouvoir, il n’a pas réussi que des bons coups. C’est pendant son passage à la Santé que le gouverneme­nt libéral a mené une lutte sans merci pour empêcher le Dr Henry Morgentale­r d’ouvrir une clinique privée d’avortement à Fredericto­n. Une lutte qui a placé M. Frenette et ses collègues du mauvais côté de l’Histoire.

Néanmoins, Raymond Frenette a bien servi le gouverneme­nt provincial, sa circonscri­ption de Moncton-Est, l’Acadie et le Nouveau-Brunswick. Alors qu’il est porté à son dernier repos, il mérite nos remercieme­nts et notre reconnaiss­ance.

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