UN TRÉSOR AU SOUS-SOL
Un immense tableau de l’artiste peintre Édouard Gautreau est camouflé au sous-sol de l’école de Shediac depuis près de 40 ans. Il est cependant destiné à demeurer à l’écart jusqu’à ce que l’organisme à qui il appartient trouve les fonds pour le restaurer
Un précieux trésor se cache au sous-sol de l’école Louis-J.-Robichaud, de Shediac. Depuis 1980, l’établissement héberge un tableau mesurant 10 pieds par 18 pieds (3 mètres par 5,5 mètres) de l’artiste de SainteAnne-de-Kent, Édouard Gautreau.
Peint en 1931, l’oeuvre mettant en scène la déportation des Acadiens est roulée dans un tuyau avec des feuilles de papier inoxydables pour assurer sa conservation.
Le groupe à qui appartient le tableau, la Société historique de la Mer Rouge, tente depuis presque 40 ans de trouver les fonds nécessaires pour restaurer l’oeuvre - soit plus de 100 000$ - ainsi qu’un endroit public prêt à l’exposer. Malgré des années d’efforts, l’organisme n’a toujours pas de solutions.
«S’il y avait une solution magique, on l’aurait trouvée. Ça fait des décennies qu’on y travaille. Ça prendrait un miracle et les miracles sont rares. On a fait des démarches avec des restaurateurs, on a été voir le gouvernement local, Ottawa et la province», explique Juliette Pellerin, présidente de la société.
«C’est triste de la voir au sous-sol, mais on ne peut pas accomplir l’impossible.»
La peinture de M. Gautreau est la reproduction d’une oeuvre de Sir Frank Dicksee. L’artiste anglais l’avait préparée à la fin du 19e siècle pour une version illustrée d’Evangeline, de Henry Wadsworth Longfellow. La peinture montre Évangéline avec son père, juste avant d’embarquer dans les bateaux, durant la déportation des Acadiens.
M. Gautreau a réalisé son oeuvre pour la somme de 50$ en 1931, quand le père Camille LeBlanc lui a demandé de «représenter la dispersion des Acadiens» pour l’estrade de la salle paroissiale Saint-Timothée de Shemogue. Le tableau était rétractable: durant les scènes de pièces de théâtre, il était monté vers le haut, puis on le baissait après la séance ou entre les actes.
L’édifice et la peinture ont été vendus dans les années 1960. L’oeuvre a été récupérée par la Société historique de la Mer Rouge en 1980.
Le tableau est généralement en bon état, mais il nécessite un important travail de restauration. Le canevas a été coupé sur l’axe horizontal pour en faire deux moitiés. Il manque un morceau d’un pied et demi carré sur le côté droit. Les extrémités sont déchirées à plusieurs endroits, et déjà en 1985, la peinture montrait des signes de détérioration.
La dernière fois que le tableau a été sorti de son tuyau remonte à 2012, quand les feuilles de papier inoxydables ont été remplacées.
Dans le cadre du processus «dispendieux», un expert en restauration a examiné le tableau de près. Mme Pellerin et son équipe ont appris que le processus de restauration prendrait près de deux ans et que pratiquement aucun laboratoire de restauration n’est assez grand pour l’accueillir dans les Provinces maritimes. Le travail devrait probablement avoir lieu à Ottawa.
La peinture de M. Dicksee a inspiré le peintre contemporain Mario Doucette, qui a livré sa propre interprétation de la scène en 2012.
Le peintre de Moncton a présenté le dernier moment d’Évangéline avec son père comme un déchirement chaotique plutôt qu’une séparation ayant un «aspect romantique».
Le Musée des beaux arts du Canada en a fait l’acquisition en 2015.
Édouard Gautreau est né en 1906 à SaintPaul-de-Kent. Il est reconnu pour les peintures qu’il a réalisées pour de nombreuses églises du comté de Kent, dont les 48 fresques détruites dans l’incendie de l’église de Sainte-Anne, en 2005.
M. Gautreau a aussi réalisé des peintures pour les églises de Saint-Norbert, de SainteMarie, de Sainte-Anne, de Saint-Ignace, de Lewisville, de Village-de-Richibouctou et de Saint-Anselme. ■