Violence au Mexique: l’amnistie est-elle la solution?
Lucia Diaz et d’autres volontaires, qui ont trouvé plus de 300 corps dans des tombes clandestines le long de la côte du golfe du Mexique, incarnent l’inquiétude, l’espoir et la peur qui habitent certains Mexicains face à la proposition du président élu An
Face à des dizaines de milliers de morts et de disparus après plus de dix années de violence liée aux cartels de narcotrafiquants, certains croient que les blessures sont trop profondes pour que l’éventualité d’une amnistie soit même envisageable.
Lucia Diaz et d’autres estiment toutefois qu’une forme d’amnistie est nécessaire si le pays veut un jour trouver la paix.
Mme Diaz est toujours à la recherche de son fils, Guillermo Lagunes Diaz, qui a été enlevé en 2013 et n’a plus été revu depuis. Bien qu’elle ne sache pas très bien qui pourrait bénéficier de l’amnistie évoquée par M. Lopez Obrador - l’équipe du président élu a exclu les contrevenants violents -, la dame est si désespérée qu’elle pourrait même envisager de soutenir l’amnistie pour les meurtriers, s’ils révélaient simplement où sont enterrées leurs victimes.
Ce genre d’échange s’est déjà produit: au moment où Mme Diaz et son collectif Solecito creusaient dans les champs de Veracruz, ils étaient guidés par une carte anonyme, dessinée à la main, de fosses communes clandestines, manifestement fournie par un membre repenti d’un cartel ou un meurtrier.
«Je vis dans cet enfer depuis cinq ans déjà et je pense que la réponse sera: «Dismoi simplement où est mon fils»», préditelle.
Le nouveau président Lopez Obrador entrera en fonction le 1er décembre et son entourage a déclaré que l’amnistie pourrait initialement être limitée aux délinquants non violents, comme les adolescents forcés ou recrutés pour servir de guetteurs, ou les femmes poussées à agir comme des «mules» transportant de la drogue.
Pourtant, certains défenseurs des victimes des narcotrafiquants se méfient de l’idée d’amnistie.
«Des familles entières ont été laissées à la dérive parce qu’un parent a été tué, les enfants sont orphelins, le tissu social a été détruit, explique Manuel Olivares, dont le groupe de défense des droits de la personne travaille avec des victimes dans l’une des villes les plus violentes du Mexique, dans l’État du Guerrero. Je ne pense pas qu’une amnistie serait un acte de justice envers les familles des personnes qui ont subi des enlèvements, qui ont vu un proche être exécuté ou tué.»
À Chilapa, des corps démembrés et calcinés sont abandonnés en bordure des routes ou enfouis dans des fosses communes. Certains ont été victimes de rivalités entre gangs, mais plusieurs sont des propriétaires de magasins ou de simples citoyens qui ont été enlevés pour obtenir une rançon.
L’amnistie «ne va pas apporter la paix ou la réconciliation, car tant que vous n’attaquez pas les causes du crime organisé - le chômage, les salaires faibles, le manque d’éducation ou d’emplois pour les jeunes, le manque d’aide aux agriculteurs - , alors vous ne faites vraiment rien pour lutter contre le crime organisé », estime M. Olivares. ■
«Pour nous, en tant que mères, nous serions plus enclines à favoriser cet échange - traiter avec les criminels pour qu’ils puissent donner des informations et probablement nous conduire à nos enfants - plutôt que de simplement envoyer quelqu’un en prison», explique-t-elle.