À 25 ANS JUGÉE TROP JEUNE POUR SE FAIRE STÉRILISER
Au Nouveau-Brunswick comme ailleurs, les jeunes femmes souhaitant recourir à un moyen de contraception permanent se heurtent souvent à des barrières ou au refus des professionnels de la santé.
Julie*, tout juste 25 ans, est l’heureuse mère de trois jeunes enfants. La grossesse de son troisième n’était pas planifiée, Julie est tombée enceinte après que son stérilet se soit déplacé.
Depuis, elle pense sérieusement à se faire stériliser. La jeune femme en est certaine, elle ne veut plus d’autres enfants. Elle tolère mal les contraceptifs hormonaux et envisage donc la ligature des trompes, une intervention qui consiste à bloquer les trompes de Fallope afin d’empêcher l’ovule de se rendre à l’utérus.
Il s’agit là d’un moyen de contraception permanent puisque la réversion est une procédure compliquée, coûteuse et qui ne réussit pas toujours.
Seulement, sa gynécologue s’est montrée très réticente à l’idée lors de sa visite au CHU Dr-Georges-L.-Dumont de Moncton.
«Elle m’a demandé: “Quel âge as-tu? Normalement on ne fait pas ça en dessous de 30 ans.”»
Julie a été informée que l’intervention devra être approuvée à la fois par sa gynécologue et par un autre médecin. Elle ne s’attendait pas de faire face à une telle résistance de la part des professionnels de la santé.
«Je sens que mes droits sur mon corps et sur mes choix de planification de famille ne sont pas respectés, dit-elle. Ce qui me dérange, c’est que je ne peux pas décider de ce que je veux faire. C’est ma vie, je suis assez vieille pour prendre mes décisions.»
La docteure a insisté pour lui poser un nouveau un stérilet, malgré trois tentatives infructueuses. Julie devra donc attendre plusieurs mois avant de pouvoir réitérer sa demande.
«Elle pense que je risque de changer d’idée, mais ça ne devrait pas être à elle de décider ça. À 25 ans, on sait ce qu’on fait», déplore la maman.
L’Acadie Nouvelle a contacté le Réseau de santé Vitalité pour en apprendre plus sur les directives que suivent les médecins du CHU Dumont au sujet de la stérilisation. Aucune réponse n’a été reçue avant l’heure de tombée.
Le Collège des médecins et chirurgiens du Nouveau-Brunswick, l’organisme chargé de contrôler les normes de l’exercice de la médecine dans la province, n’a jamais établi de politique sur la question.
«Nous n’avons pas de directives spécifiques», affirme Dr Ed Schollenberg, le registraire du Collège.
«PATERNALISME MÉDICAL»
Selon Vardit Ravitsky, professeure en bioéthique à l’Université de Montréal, plusieurs raisons expliquent la réticence des médecins à pratiquer la ligature des trompes chez les jeunes femmes.
«Il y a une peur que les femmes changent d’avis. Certains médecins craignent aussi d’être poursuivis.»
En effet, plusieurs études récentes menées aux États-Unis concluent que de 20% à 30% des femmes âgées de moins de 30 ans ayant subi une ligature des trompes avouent le regretter. Ce pourcentage se situe entre 4% et 6% dans les autres tranches d’âge.
Vardit Ravitsky voit pourtant dans l’attitude de certains médecins une forme de «paternalisme médical».
«C’est l’idée que le médecin comprend mieux que la patiente ce qui est bon pour elle», dit-elle.
«Il est attendu que les femmes aient et veulent des enfants. Une femme qui sait très jeune qu’elle ne veut pas d’enfant est suspecte. On se dit qu’elle est trop jeune, qu’elle n’a pas assez réfléchi, que ce n’est pas une décision autonome parce que cela va à l’encontre des normes et des attentes sociétales.»
La professeure croit que les médecins devraient avant tout s’assurer que la personne ait tous les éléments en main pour faire le choix qu’elle juge bon pour elle.
«Le rôle du médecin est de garantir et de vérifier que le patient a donné un consentement éclairé, c’est-à-dire que toutes les informations pertinentes ont été divulguées, comprises et que le patient ne le fait pas sous la pression.»
Une fois qu’un médecin a présenté les risques à la personne, c’est à cette dernière de trancher, insiste l’universitaire. La possibilité qu’une femme regrette sa décision ne devrait pas suffire à lui refuser la procédure.
«Il se peut qu’on change d’avis dans la vie mais on devrait toujours avoir le droit de décider pour notre corps.» ■
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Le prénom a été modifié