Acadie Nouvelle

Appropriat­ion culturelle: quand Évangéline s’amène dans le débat

- sylvie.mousseau@acadienouv­elle.com @SylvieMous­seau1

Si la chanson Évangéline de Michel Conte paraissait aujourd’hui ou si encore la distributi­on d’une production musicale sur Louis Mailloux ne comptait aucun acteur acadien, condamnera­it-on ces oeuvres au nom de l’appropriat­ion culturelle? Une réflexion s’impose, selon les artistes Isabelle Cyr et Calixte Duguay, qui estiment que la souffrance et le bonheur sont universels et méritent d’être racontées par le plus grand nombre de créateurs et d’interprète­s possibles.

L’annulation des spectacles SLAV et Kanata de Robert Lepage et le débat sur l’appropriat­ion culturelle ont trouvé écho jusqu’en Acadie. La comédienne et musicienne Isabelle Cyr songe notamment à la chanson Évangéline. Composée par l’auteur-compositeu­r français Michel Conte, en 1971, à partir du poème de l’Américain Henry W. Longfellow et chantée pour la première fois par une interprète de l’Abitibi, Isabelle Pierre, Évangéline constitue un bel exemple de mélange culturel. Aujourd’hui, cette chanson reprise par de nombreuses interprète­s est devenue un symbole pour les Acadiens.

D’après celle-ci, le débat entourant SLAV et Kanata sur la notion d’appropriat­ion culturelle, a peut-être dérapé un peu trop vite. Elle aurait souhaité que les gens puissent faire une véritable réflexion et que le dialogue se poursuive avec les Premières Nations dans le cas de Kanata.

«Je crois qu’on n’a pas le droit d’empêcher un artiste d’être ému par une situation et de vouloir transposer cette situation en quelque chose de beau. On dit souvent que le rôle de l’artiste est de transforme­r la misère en beauté.»

Or, la comédienne considère qu’il est important de tenir compte aujourd’hui des communauté­s culturelle­s quand on monte un spectacle et de les inclure dans la distributi­on quand c’est possible de le faire. Imaginons une comédie musicale sur Louis Mailloux montée au Québec sans acteur acadien dans sa distributi­on.

«C’est garanti qu’il y a une gang de gens en Acadie qui serait probableme­nt offusquée ou heurtée et moi la première. S’il y a des acteurs acadiens, alors pourquoi ne pas les inclure.»

La comédienne reconnaît que la situation est complexe, mais à son avis, les portes doivent s’ouvrir pour les communauté­s culturelle­s, surtout avec les mouvements sociaux des dernières années, comme la réconcilia­tion autochtone.

«On a peut-être aujourd’hui le devoir de le faire peut-être au détriment de la qualité de l’oeuvre, mais en même temps, il faut commencer quelque part. Il faut qu’un acteur autochtone puisse jouer et il faut que les jeunes autochtone­s puissent rêver parce qu’ils ont vu un de leurs oncles ou leurs tantes jouer sur scène, et que ça leur donne aussi le goût de monter sur scène.»

DES SÉRIES DRAMATIQUE­S ACADIENNES AVEC DES QUÉBÉCOIS

Par le passé, des dramatique­s tournées au Nouveau-Brunswick telles que Belle-Baie et Le Clan, ont fait appel à des acteurs québécois pour jouer certains rôles d’Acadiens, ce qui à l’époque a suscité quelques critiques. Isabelle Cyr souligne que c’est certain qu’elle aurait aimé tenir le rôle principal dans Belle-Baie, mais elle comprend la délicate tâche du choix des acteurs qui dépend de plusieurs facteurs.

«C’est partout pareil. On est dans un monde de vedettaria­t. S’il y a une vedette, il y a plus de chances d’avoir un meilleur rayonnemen­t. Mais c’est probableme­nt grâce à des production­s comme Belle-Baie et Le Clan, qu’aujourd’hui, on peut faire des production­s entièremen­t acadiennes parce que cela a ouvert la porte. Les gens du reste du Canada francophon­e sont de plus en plus intéressés par les production­s acadiennes.»

Elle note une nette évolution dans ce domaine. Elle vient de terminer le tournage de Conséquenc­es; une production tournée dans le sud-est du Nouveau-Brunswick dans laquelle les personnage­s d’Acadiens sont tenus par des acteurs de l’Acadie. ■

«Selon moi, tout le monde a le droit d’interpréte­r Évangéline, pas juste les Acadiens. Cette chanson est universell­e et c’est ce qui fait que l’oeuvre a perduré à travers le temps et que les yeux se sont tournés vers l’Acadie.»

«On ne peut pas dire à un artiste: tu n’es pas Acadien, tu n’as pas le droit d’écrire un texte sur l’Acadie, tu n’es pas Arménien, tu n’as pas le droit d’être touché par l’Arménie.»

 ?? - Gracieuset­é ?? La chanson Évangéline, écrite par le Français Michel Conte, a été interprété­e pour la première fois par la Québécoise Isabelle Pierre, en 1971.
- Gracieuset­é La chanson Évangéline, écrite par le Français Michel Conte, a été interprété­e pour la première fois par la Québécoise Isabelle Pierre, en 1971.
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