TRACADIE: LE DRAPEAU MÉTIS SOULÈVE LE DÉBAT
Le drapeau des Métis flotte désormais au-dessus du parc des Fondateurs de Tracadie fraîchement inauguré. Le choix du symbole fait bondir les historiens de la région qui y voient une forme d’appropriation abusive.
À la demande d’un groupe de citoyens se revendiquant «Métis», le drapeau, bleu avec un symbole de l’infini blanc, a été érigé par la municipalité aux côtés de ceux des différents peuples fondateurs. On y retrouve notamment les drapeaux français, mi’kmaq, irlandais et britannique.
Mais la présence du drapeau des Métis enrage l’historien Maurice Basque. L’universitaire originaire de Tracadie dénonce une «erreur» et un «scandale». «C’est une usurpation, c’est une honte, s’exclame-t-il. Le drapeau métis représente la collectivité métisse, mais pas quelques individus.»
Selon Maurice Basque, les personnes nées d’unions mixtes se sont soit intégrées dans les communautés autochtones ou se sont assimilées aux nouveaux arrivants européens. Ce métissage, s’il a existé, n’a jamais mené à la formation de communautés métisses distinctes au Nouveau-Brunswick, ajoute-t-il.
À ces yeux, il n’existe pas dans l’est du pays de «nation métisse», une appellation désignant le peuple originaire de la vallée de la rivière Rouge au Manitoba qui s’est disséminé dans les Prairies, dans le nord-est de la Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest et dans le nord-ouest de l’Ontario.
«Dans l’Ouest canadien, on a vu la création d’une culture propre, avec une langue propre - le mitchif - avec des traditions, des symboles et un style de vie qui leur sont propres», souligne Maurice Basque.
La Fédération métisse du Manitoba tout comme le Ralliement national des Métis refusent de reconnaître l’existence des métis de l’Est, rappelle-t-il. «Il n’y a pas de langue utilisée par les Métis en Acadie, il n’y a pas de coutumes métisses. On n’a jamais vu d’individus qui se réclament Métis et sont reconnus comme appartenant à une collectivité métisse. Les descendants d’unions mixtes n’ont pas le droit de se servir de façon éhontée du drapeau métis qui représente les gens de l’Ouest. On banalise cette identité en se basant sur une fausse lecture de l’histoire.»
Philippe Basque, historien au Village Historique Acadien, réfute lui aussi l’existence d’une identité métisse distincte dans les Maritimes. «Il n’y a pas de communauté métisse à Tracadie et il n’y en a jamais eu», affirme-t-il.
Le résident de Tracadie déplore le fait que la municipalité ne l’ait pas consulté. Il demande que le drapeau soit retiré au plus vite.
Il n’a cependant pas été possible d’obtenir de renseignements de la part du personnel municipal ce lundi.
Stéphane Richardson aurait demandé à la municipalité que le drapeau bleu et blanc soit hissé au centre-ville, accompagné d’autres résidents se revendiquant eux aussi Métis.
«On voulait que notre identité soit reconnue, ce n’est pas lié à des revendications de droits métis, dit-il. D’après le dernier recensement de Statistique Canada, 95 citoyens de la municipalité régionale de Tracadie se déclarent descendants métis.
Stéphane Richardson dit avoir présenté plusieurs éléments de preuve, notamment des recherches généalogiques. Plusieurs discussions ont été nécessaires pour obtenir l’accord des conseillers municipaux, précise-t-il.
«Ça ne s’est pas fait à la légère. On a dû négocier et faire plusieurs présentations auprès de la ville.» Depuis, la levée du drapeau métis a eu lieu devant l’hôtel de ville de Tracadie chaque 21 juin, lors de la journée nationale des peuples autochtones.
Le drapeau a été intégré aux dessins conceptuels du parc dévoilé en juin 2017. Selon M. Richardson, une urne en forme de plume contenant les cendres de leur feu sacré a été également coulée dans le béton du parc des Fondateurs.
Aussi connu pour être le porte-parole des expropriés du camp militaire, M. Richardson a fait parler de lui plus récemment en installant sa tente pendant une dizaine de jours devant le Centre culturel de Caraquet pour réclamer des droits sur des terres de la région de Caraquet en vertu de la concession de la «Grande Grant» de 1784.
En avril, l’homme de Tracadie a été le premier Néo-Brunswickois à demander de prêter serment sur une plume d’aigle plutôt que sur la Bible lors de sa comparution en Cour provinciale à Moncton.