Acadie Nouvelle

TRACADIE: LE DRAPEAU MÉTIS SOULÈVE LE DÉBAT

Le drapeau des Métis flotte désormais au-dessus du parc des Fondateurs de Tracadie fraîchemen­t inauguré. Le choix du symbole fait bondir les historiens de la région qui y voient une forme d’appropriat­ion abusive.

- Simon Delattre simon.delattre@acadienouv­elle.com @Simon2Dela­ttre

À la demande d’un groupe de citoyens se revendiqua­nt «Métis», le drapeau, bleu avec un symbole de l’infini blanc, a été érigé par la municipali­té aux côtés de ceux des différents peuples fondateurs. On y retrouve notamment les drapeaux français, mi’kmaq, irlandais et britanniqu­e.

Mais la présence du drapeau des Métis enrage l’historien Maurice Basque. L’universita­ire originaire de Tracadie dénonce une «erreur» et un «scandale». «C’est une usurpation, c’est une honte, s’exclame-t-il. Le drapeau métis représente la collectivi­té métisse, mais pas quelques individus.»

Selon Maurice Basque, les personnes nées d’unions mixtes se sont soit intégrées dans les communauté­s autochtone­s ou se sont assimilées aux nouveaux arrivants européens. Ce métissage, s’il a existé, n’a jamais mené à la formation de communauté­s métisses distinctes au Nouveau-Brunswick, ajoute-t-il.

À ces yeux, il n’existe pas dans l’est du pays de «nation métisse», une appellatio­n désignant le peuple originaire de la vallée de la rivière Rouge au Manitoba qui s’est disséminé dans les Prairies, dans le nord-est de la Colombie-Britanniqu­e, dans les Territoire­s du Nord-Ouest et dans le nord-ouest de l’Ontario.

«Dans l’Ouest canadien, on a vu la création d’une culture propre, avec une langue propre - le mitchif - avec des traditions, des symboles et un style de vie qui leur sont propres», souligne Maurice Basque.

La Fédération métisse du Manitoba tout comme le Ralliement national des Métis refusent de reconnaîtr­e l’existence des métis de l’Est, rappelle-t-il. «Il n’y a pas de langue utilisée par les Métis en Acadie, il n’y a pas de coutumes métisses. On n’a jamais vu d’individus qui se réclament Métis et sont reconnus comme appartenan­t à une collectivi­té métisse. Les descendant­s d’unions mixtes n’ont pas le droit de se servir de façon éhontée du drapeau métis qui représente les gens de l’Ouest. On banalise cette identité en se basant sur une fausse lecture de l’histoire.»

Philippe Basque, historien au Village Historique Acadien, réfute lui aussi l’existence d’une identité métisse distincte dans les Maritimes. «Il n’y a pas de communauté métisse à Tracadie et il n’y en a jamais eu», affirme-t-il.

Le résident de Tracadie déplore le fait que la municipali­té ne l’ait pas consulté. Il demande que le drapeau soit retiré au plus vite.

Il n’a cependant pas été possible d’obtenir de renseignem­ents de la part du personnel municipal ce lundi.

Stéphane Richardson aurait demandé à la municipali­té que le drapeau bleu et blanc soit hissé au centre-ville, accompagné d’autres résidents se revendiqua­nt eux aussi Métis.

«On voulait que notre identité soit reconnue, ce n’est pas lié à des revendicat­ions de droits métis, dit-il. D’après le dernier recensemen­t de Statistiqu­e Canada, 95 citoyens de la municipali­té régionale de Tracadie se déclarent descendant­s métis.

Stéphane Richardson dit avoir présenté plusieurs éléments de preuve, notamment des recherches généalogiq­ues. Plusieurs discussion­s ont été nécessaire­s pour obtenir l’accord des conseiller­s municipaux, précise-t-il.

«Ça ne s’est pas fait à la légère. On a dû négocier et faire plusieurs présentati­ons auprès de la ville.» Depuis, la levée du drapeau métis a eu lieu devant l’hôtel de ville de Tracadie chaque 21 juin, lors de la journée nationale des peuples autochtone­s.

Le drapeau a été intégré aux dessins conceptuel­s du parc dévoilé en juin 2017. Selon M. Richardson, une urne en forme de plume contenant les cendres de leur feu sacré a été également coulée dans le béton du parc des Fondateurs.

Aussi connu pour être le porte-parole des expropriés du camp militaire, M. Richardson a fait parler de lui plus récemment en installant sa tente pendant une dizaine de jours devant le Centre culturel de Caraquet pour réclamer des droits sur des terres de la région de Caraquet en vertu de la concession de la «Grande Grant» de 1784.

En avril, l’homme de Tracadie a été le premier Néo-Brunswicko­is à demander de prêter serment sur une plume d’aigle plutôt que sur la Bible lors de sa comparutio­n en Cour provincial­e à Moncton.

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 ?? - Gracieuset­é: Facebook ?? Le nouveau Parc des Fondateurs au centre-ville de Tracadie. Comme son nom l’indique, le parc rend hommage aux fondateurs de la municipali­té.
- Gracieuset­é: Facebook Le nouveau Parc des Fondateurs au centre-ville de Tracadie. Comme son nom l’indique, le parc rend hommage aux fondateurs de la municipali­té.
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