Électricité: chacun son rôle
Énergie NB a subi deux camouflets pour le prix d’un dans les dernières semaines. Une décision a fait le bonheur d’une majorité de ses clients, alors que l’autre a été plutôt mal accueillie. Dans les deux cas, il s’agit d’un rappel des limites du rôle d’Énergie NB.
La mission d’Énergie NB consiste à offrir de l’électricité fiable et abordable à sa clientèle.
Elle n’a pas carte blanche pour accomplir ses objectifs. Elle doit rendre des comptes à la Commission de l’énergie et des services publics du Nouveau-Brunswick, notamment si elle souhaite augmenter ses tarifs.
Il s’agit souvent d’enjeux très complexes. Afin de s’assurer que les intérêts des citoyens sont protégés et bien défendus, la commission embauche un expert - une sorte d’ami de la cour - qui prendra la parole en notre nom.
Plus tôt cet été, la commission a rejeté une demande d’augmentation moyenne de 1,5% des tarifs d’électricité. Énergie NB devra se contenter d’un peu plus de la moitié de ce qu’elle demandait, soit environ 0,88% (0,96% pour clients résidentiels, 0,4% pour les PME).
Une partie de la hausse réclamée par la société de la Couronne devait servir à financer des projets d’importance. Parmi ceux-ci, la mise en place de quelque 355 000 compteurs intelligents, au coût de 90,7 millions $, mais aussi l’installation de panneaux solaires et de bornes de recharge pour les véhicules électriques.
Par ailleurs, une autre décision de la commission a fait couler plus d’encre. Elle a forcé Énergie NB à réduire de moitié un programme visant à aider les citoyens démunis à réduire l’importance de leurs factures d’électricité. Le programme est pourtant très apprécié et ne suffit pas à la demande.
Dans les deux cas, la Commission de l’énergie et des services publics a rendu la bonne décision, même si cela ne fait pas l’affaire de tous. Ce n’est pas à Énergie NB de faire du développement social, mais bien au gouvernement.
Ce n’est pas la première fois que celle-ci est tiraillée de cette façon. En 2006, le premier ministre progressiste-conservateur, Bernard Lord, avait démontré une excellente compréhension des rôles de chacun.
À l’époque, Énergie NB était plongé dans une situation financière plus difficile. Elle avait perdu plus de 300 millions $ dans les 15 années précédentes et réclamait une hausse spectaculaire de tarifs de 13%. Le tout, alors que des élections se profilaient à l’horizon.
En rencontre éditoriale avec l’Acadie Nouvelle, le premier ministre avait expliqué l’enjeu de façon limpide: «C’est le gouvernement qui est redevable devant la population. Pas Énergie NB, ni la Commission des services publics du N.-B. Ce n’est pas leur rôle de trouver le juste équilibre entre l’économie et le social. C’est à nous de le faire et nous allons exercer ce droit».
Un mois plus tard, le gouvernement Lord dévoilait dans son budget un plan de 100 millions $ dans lequel il limitait l’augmentation à 8%, en plus de mettre en place un plan de remboursement de la fraction provinciale de la Taxe de vente harmonisée et des autres sources d’énergie servant au chauffage. Pour les consommateurs, il s’agissait donc de l’équivalent d’un gel de leur facture.
L’initiative n’a pas survécu aux aléas de la politique. Les progressistes-conservateurs ont perdu le pouvoir quelques mois plus tard et les libéraux ont renvoyé aux Calendes grecques l’idée du remboursement de taxe sur l’énergie.
Là n’est toutefois pas le point. Le premier ministre Lord avait fait la démonstration que la responsabilité d’aider les personnes dans le besoin revenait au gouvernement. C’est un peu le message que répète douze ans plus tard la Commission de l’énergie et des services publics.
Énergie NB a démontré qu’elle a le coeur à la bonne place en doublant le financement d’un programme gouvernemental qui permet à des citoyens de rénover gratuitement leur résidence. Sauf que ce n’est pas à elle de le faire. Ce rôle revient au ministère du Développement social.
De même, les gens de la commission ont rappelé que l’installation de bornes de recharge pour voitures électriques ne fait pas partie des activités fondamentales de la société de la Couronne et que cela devrait plutôt revenir au privé.
Enfin, elle a démontré que l’installation de centaines de milliers de compteurs intelligents coûtera les yeux de la tête et que les coûts dépasseront les bénéfices.
Cela ne signifie pas que ce sont de mauvaises idées, bien au contraire. C’est toutefois au gouvernement provincial d’agir s’il souhaite les implanter.
Cela adonne bien, nous serons en campagne électorale dans moins d’un mois. Si un parti politique souhaite augmenter l’aide aux clients d’Énergie NB, subventionner la pose de compteurs intelligents ou intensifier le virage électrique sur nos routes, le moment ne pourra être mieux choisi pour faire part à la population de ses intentions et des coûts de celles-ci.