Acadie Nouvelle

Les enfants d’espions ne sont pas canadiens, plaide Ottawa à la Cour suprême

- Jim Bronskill

Les espions russes qui se tapissent dans l’ombre au Canada peuvent bien travailler en secret, mais ils restent des employés de Moscou. Par conséquent, leurs enfants ne sont pas des citoyens canadiens, plaide Ottawa devant la Cour suprême.

Dans une nouvelle requête déposée au tribunal, le gouverneme­nt soutient que le fils d’agents de renseignem­ent russes, né à Toronto, devrait se voir refuser la citoyennet­é canadienne. Il s’agit de la même exception qui s’applique à tout enfant de diplomates étrangers né au Canada.

Ottawa se bat contre une décision de la Cour d’appel fédérale qui a confirmé la citoyennet­é canadienne d’Alexander Vavilov et, dans une affaire connexe, celle de son frère aîné.

Alexander, 24 ans, et Timothy, 28 ans, sont nés au Canada de parents utilisant les pseudonyme­s Donald Heathfield et Tracey Ann Foley.

Les parents ont été arrêtés il y a huit ans, aux États-Unis, et inculpés de complot dans le but d’agir à titre d’agents secrets pour le compte du SVR russe, la nouvelle version du tristement célèbre KGB soviétique.

Heathfield et Foley ont reconnu être Andreï Bezrukov et Elena Vavilova. Ils ont été renvoyés à Moscou dans le cadre d’un échange de prisonnier­s avec la Russie.

Alexander, qui a terminé son éducation secondaire en Russie, a changé son nom de famille pour Vavilov, en suivant les conseils de fonctionna­ires canadiens, dans le but d’obtenir un passeport canadien.

Mais il s’est retrouvé dans un cul-de-sac au bureau des passeports et, en août 2014, le Greffier de la citoyennet­é a déclaré que le gouverneme­nt ne le reconnaiss­ait plus comme citoyen canadien.

Le greffier a soutenu que ses parents étaient des employés d’un gouverneme­nt étranger au moment de sa naissance, ce qui le rend inadmissib­le à la citoyennet­é.

La Cour fédérale du Canada a confirmé cette décision.

Mais en juin 2017, la Cour d’appel a infirmé le jugement et annulé la décision du greffier. Elle a déclaré que la dispositio­n de la Loi sur la citoyennet­é sur laquelle s’appuie le greffier ne s’applique pas parce que les parents ne détenaient pas de privilèges ni d’immunité diplomatiq­ues au Canada.

Fort de ce nouveau jugement, Alexander a pu renouveler son passeport canadien et il espère vivre et travailler au Canada, qualifiant sa relation avec le pays de pierre angulaire de son identité.

Bien qu’il s’agisse de la même question centrale, le dossier de son frère Timothy a été traité séparément par les tribunaux. Dans une décision rendue plus tôt cette année, la Cour fédérale a déclaré que la décision sur Alexander s’appliquait également à Timothy, faisant de lui un «citoyen».

Pour le gouverneme­nt fédéral toutefois, la décision originale du greffier était «logique et justifiée», soutient-il dans l’argumentai­re soumis à la plus haute cour de justice du pays.

Le but visé par les parents en venant au Canada s’apparente à celui des autres employés d’un gouverneme­nt étranger: «Ils étaient dévoués à servir leur pays d’origine, sauf que dans leur cas, ils le faisaient dans la clandestin­ité».

«La formulatio­n vague de l’article de loi vise à traiter de la même façon les enfants de tous les employés de gouverneme­nts étrangers qui sont au Canada, qu’ils soient enfants de diplomates, de fonctionna­ires consulaire­s ou d’espions», insiste Ottawa dans le document.

«L’interpréta­tion du greffier était raisonnabl­e et aucune analyse convaincan­te n’a été faite pour démontrer qu’elle était déraisonna­ble. La décision était justifiée, transparen­te et claire.»

La Cour suprême devrait entendre la cause au début du mois de décembre, parallèlem­ent aux appels interjetés par Bell Canada et la Ligue nationale de football (NFL), à savoir si les téléspecta­teurs canadiens peuvent regarder des publicités télévisées américaine­s pendant le match du Super Bowl.

Les sujets disparates posent des questions communes sur la nature et la portée du contrôle judiciaire des décisions administra­tives.

Dans son exposé sur l’affaire Vavilov, le gouverneme­nt fédéral fait valoir que les tribunaux devraient adopter «une approche respectueu­se» des décisions administra­tives lorsqu’ils sont appelés à les examiner avec seulement «de très rares exceptions».

Alexander Vavilov n’a pas encore soumis ses arguments à la cour.

L’avocat Hadayt Nazami, qui représente les deux frères, a qualifié le raisonneme­nt du fédéral d’«absurde et sans but». Selon lui, cette position du gouverneme­nt «créerait de l’incertitud­e au sujet du droit fondamenta­l de la personne à la citoyennet­é». ■

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- Archives Dans une nouvelle requête déposée à la Cour suprême, le gouverneme­nt soutient que le fils d’agents de renseignem­ent russes, né à Toronto, devrait se voir refuser la citoyennet­é canadienne.

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