Acadie Nouvelle

Trump: un «don du ciel» pour certains

- Hector J. Cormier Moncton

Pour mieux comprendre le phénomène Trump et son accession à la présidence, il importe de se faire une idée de sa base électorale et en particulie­r de la droite religieuse dont la majorité est constituée de chrétiens évangéliqu­es situés pour la plupart dans 15 États du sud et de l’est du pays. L’universita­ire américain John Fea en fait une étude fort intéressan­te dans un livre intitulé Believe Me, The Evangelica­l Road to Donald Trump.

De nombreux électeurs désabusés, de la classe moyenne surtout, ne faisant plus confiance aux élus, s’autorisent de plus en plus à essayer autre chose. On fait place au populisme, une idéologie politique selon laquelle on sert aux gens ce qu’ils veulent entendre allant jusqu’à faire appel à leurs plus bas instincts. Donald Trump, le manipulate­ur par excellence, a su exploiter la naïveté de gens qui savent surtout gober.

Trump n’est pas le premier à exploiter cette naïveté. La plupart des présidents américains l’ont fait en alimentant la peur, le pouvoir et la nostalgie d’un passé blanc et chrétien. La différence, c’est que Trump excelle dans l’exagératio­n et le mensonge, deux qualités propres à tout populiste qui tient à la réussite. Ces électeurs sont à la recherche de l’homme fort qui pourra mener à bien les destinées du pays. Malgré les nombreux travers de Trump, bon nombre d’Américains semblent croire qu’il est un don du ciel.

Les chrétiens évangéliqu­es ont peur d’une démographi­e et d’une culture en constants changement­s. L’Amérique, pour eux, est chrétienne au départ et blanche. Cela ne veut surtout pas dire catholique, religion considérée comme menaçante. C’est le protestant­isme évangéliqu­e qu’on souhaite voir comme religion d’État.

L’idée d’un mur entre les États-Unis et le Mexique plaît: les immigrants mexicains ne sont pas de race blanche et de plus sont, selon le président, «des criminels et des violeurs». Cela fait peur.

Ce qui a effrayé plus que tout, ce fut la présence, à la tête de l’État, du Noir Barack Obama. Combien souvent Trump a-t-il tenté de faire croire que celui-ci n’était pas né aux États-Unis, ce qui aurait fait de lui un président illégitime.

Les décrets présidenti­els voulant mettre fin à l’immigratio­n en provenance des pays musulmans sont grandement appréciés. Plus le taux de musulmans augmente, plus celui des chrétiens diminue. Cela effraie.

Et si le président, dans un pays où la Cour Suprême a déjà statué sur la séparation de l’Église et de l’État, pouvait introduire en salle de classe la prière, la lecture de la bible et des outils pédagogiqu­es loin de la science qui enseignera­ient le créationni­sme comme seule explicatio­n valable à l’origine du monde.

Et si on pouvait mettre fin au mariage gai et à l’émancipati­on de la femme, combien plus facile ce serait de restaurer la supériorit­é de l’homme. Tout se justifie par les écritures qu’il faut savoir lire au mot à mot et croire littéralem­ent.

Puisque les tribunaux ne donnent pas toujours raison aux interpréta­tions que se font de la loi les chrétiens évangéliqu­es, il faut trouver d’autres moyens d’arriver à imposer les valeurs chrétienne­s. On se range du côté de la quête du pouvoir.

Voilà pourquoi à la cour du roi (lire du président), on retrouve autant de courtisans évangéliqu­es qui se plaisent souvent plus dans les coulisses du pouvoir que dans la chaire de leurs églises. Ce sont pour la plupart des télé-prédicateu­rs millionnai­res qui s’enrichisse­nt aux dépens de ceux qui écoutent. On les voit accompagna­nt le président lors de la signature de certains décrets. Ils sont surtout là lors de la nomination de candidats ultraconse­rvateurs à la Cour Suprême. Trump répond à certains souhaits moyennant une loyauté sans faille et d’abondantes flatteries.

Donald Trump fait miroiter le retour du pays à sa grandeur d’antan – «Make America Great Again»: l’Amérique chrétienne et blanche du temps de l’esclavage et du déplacemen­t des nations autochtone­s vers des territoire­s réservés. Une Amérique ségrégatio­nniste, raciste, xénophobe et effrayée d’une immigratio­n qui pourrait donner au pays une identité autre.

Quatre-vingt-un pour cent (81%) des chrétiens évangéliqu­es ont voté pour Trump lors des élections de 2016 malgré les mensonges et les flatteries. Il sait très bien que ce qu’ils demandent est irréaliste. Malgré tout, ceux-ci voient en lui l’homme fort, un sauveur. Il sait les alimenter de la nostalgie d’un passé où l’Amérique était chrétienne et blanche. ■

Newspapers in French

Newspapers from Canada