ABSENCE DE DÉBAT FRANCOPHONE: LEVÉE DE BOUCLIERS
La société civile acadienne s’organise pour convaincre Radio-Canada Acadie de présenter un débat des chefs en français durant la campagne électorale.
La Concertation des organismes de l’Acadie du Nouveau-Brunswick a l’intention d’envoyer une lettre au diffuseur public pour le convaincre d’abandonner l’idée de présenter un forum citoyen bilingue avec les chefs en collaboration avec CBC au lieu du traditionnel débat en français.
«Il n’y a pas de marge de manoeuvre par rapport à cette question-là. Je pense que donner à l’ensemble des chefs la possibilité de séduire les francophones dans leur langue, peu importe leur niveau dans cette langue, est beaucoup plus respectueux», avance le directeur général de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, Ali Chaisson.
La Concertation des organismes compte notamment dans ses rangs l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick.
La proposition de Radio-Canada «est un recul par rapport à ce à quoi on a toujours eu droit, un débat dans notre langue», indique le président de l’Association, Luc Desjardins.
Selon le chef de l’information de RadioCanada Acadie, Denis Robichaud, la formule du forum citoyen bilingue «est la meilleure dans les circonstances actuelles».
«Il ne faut pas oublier que la situation dans laquelle on se retrouve, elle est reliée au fait que ce ne sont pas tous les chefs qui sont bilingues», a-t-il dit en entrevue, vendredi.
M. Robichaud assure que les téléspectateurs francophones auront droit à une émission «complètement en français».
«C’est sûr qu’il va y avoir de la traduction simultanée, comme c’est le cas pour les téléspectateurs anglophones.»
Malgré l’opposition de la société civile et de nombreux internautes, le diffuseur public n’a pas l’intention de changer sa formule.
«Nous sommes vraiment convaincus que nous sommes capables de faire une solide émission qui va permettre aux électeurs du Nouveau-Brunswick, francophones ou anglophones, d’en savoir plus sur ce que disent les chefs de formations politiques», affirme Denis Robichaud.
L’émission de 90 minutes doit être diffusée en direct de Moncton le 12 septembre en compagnie de Karine Godin du Téléjournal Acadie et de Harry Forestell de CBC.
BRIAN GALLANT REFUSE DE DÉBATTRE AVEC UN SUBSTITUT
Durant le forum, des citoyens poseront quatre questions en français et quatre questions en anglais aux chefs des partis qui pourront répondre dans la langue de leur choix grâce à la traduction simultanée.
Afin de faciliter la traduction, les chefs devront attendre chacun leur tour pour répondre à la question. Il ne leur sera pas permis de débattre ou d’interrompre un autre chef.
C’est notamment pour éviter la confusion que l’idée d’organiser un débat traditionnel en français en fournissant la traduction simultanée aux chefs qui en ont besoin a été écartée, explique Denis Robichaud.
«Un débat souvent, c’est déjà cacophonique. La traduction simultanée (…) va venir vraiment compliquer les choses et nous craignions que ça devienne un cauchemar pour les téléspectateurs», avancet-il.
La possibilité d’inviter des substituts francophones à la place des chefs qui ne sont pas suffisamment bilingues n’a pas non plus été retenue, indique M. Robichaud.
«Le commentaire que nous avons reçu à ce sujet, c’est que les chefs veulent débattre avec les chefs», dit-il.
Le directeur général du Parti progressiste-conservateur, Paul d’Astous, a confirmé au journal, jeudi, que son chef, Blaine Higgs, ne parle pas suffisamment français pour participer à un débat dans la langue de Molière sans traduction simultanée.
«Ce n’est pas acceptable. On peut faire un forum public bilingue si l’on veut, mais ça prend (aussi) un débat dans chacune des deux langues avec les chefs.»
«Ça serait très difficile pour M. Higgs et pour les téléspectateurs. Mais il n’y a pas seulement que M. Higgs qui n’aurait pas pu participer à un débat francophone», a-t-il dit.
Selon la porte-parole du Parti, Nicolle Carlin, les progressistes-conservateurs seraient toutefois prêts à envoyer un substitut.
«Cette formule ne nous a pas été offerte par Radio-Canada, mais oui, nous serions d’accord pour envoyer quelqu’un à la place de M. Higgs.»
Le Parti libéral est cependant opposé à ce scénario.
«Un débat des chefs est conçu pour les chefs. Le premier ministre (Brian) Gallant ne débattra qu’avec les autres chefs», indique le porte-parole des libéraux, Jonathan Towers.
Les coprésidents de la campagne du Parti libéral ont envoyé une lettre à RadioCanada et CBC, mardi, pour leur demander de revenir à la formule traditionnelle.
«Si, par exemple, la question au sujet des soins de santé est posée en anglais, et le chef y répond en anglais, est-ce juste pour le tiers de francophones qui n’auront qu’entendu le chef par l’intermédiaire d’un ou d’une interprète au sujet de cet enjeu politique important?», ont écrit Joan Kingston et le député Serge Rousselle.
Les responsables du Parti vert et du Nouveau Parti démocratique ont indiqué que leurs chefs pouvaient débattre en français et qu’ils n’étaient pas opposés à l’idée de débattre en présence de substituts. ■