Acadie Nouvelle

Quand le silence crie…

- Rino Morin Rosssignol morinrossi­gnol@gmail.com Han, Madame?

Le chef conservate­ur Blaine Higgs, officielle­ment repenti de son passé antibiling­uisme, mais encore enfirouapé dans cet aura trouble, n’est pas encore aux commandes de l’État que déjà il propose de tripoter le principe du bilinguism­e dans la fonction publique. Ça commence!

Ce nouvel accommodem­ent permettrai­t que des postes bilingues puissent être accordés à des unilingues (anglophone­s, on s’en doute).

L’infortuné fonctionna­ire unilingue devrait s’engager à apprendre l’autre langue (le français, on n’en doute pas), quitte à se faire gronder, dans trois ans, s’il ne la baragouine pas suffisamme­nt bien.

J’ignore qui conseille de telles entourloup­ettes bilinguist­iques (ou bilinguale­s?) au chef conservate­ur, mais cette personne devrait, elle, se faire mettre en pénitence dans le coin, car tout ce que son chef a semblé avoir appris après deux ans de formation en français, c’est qu’il y avait quatre dialectes francophon­es au NiouBrunsw­ick.

Ce qui, doit-on en conclure, multiplie par quatre les difficulté­s d’apprentiss­age de la langue des anciens réfugiés de 1755, toujours aussi dérangeant­s en 2018, avec leurs ambulances, leurs autobus scolaires, leurs examens d’infirmière­s et toutes sortes d’autres niaiseries linguistiq­ues qui enquiquine­nt la communauté propriétai­re de la province.

Ce premier grumeau dans la sauce bleue de cette élection nous ramène au drôle de débat sur le débat des chefs. Aux dernières nouvelles, les Grands Tuteurs Invisibles de l’Acadie ont décidé qu’il n’y en aura pas de débat français. Que les francophon­es prennent leur trou! Comme d’habitude. Mais à qui la faute?

1. Est-ce la faute de Radio-Canada?

Radio-Canada a voulu ménager la chèvre et le chou en accommodan­t un chef unilingue, apparemmen­t crédité de 35% d’appuis dans les sondages, au détriment d’un autre «tiers»: celui des citoyens francophon­es de la province. Mauvais calcul.

Ce faisant, elle a donné la regrettabl­e impression de vouloir enlever à Pierre pour donner à Peter. Pas très élégant, ça.

Pourtant, n’est-ce pas le diffuseur public qui dit lui-même avoir «le devoir de présenter une couverture équitable et équilibrée des partis en période électorale»?

Maintenant, ce qui rendrait la situation encore plus inéquitabl­e, ce serait un débat en anglais à la CBC, sans débat français à Radio-Canada! Ce serait le bouquet d’herbe à poux!

2. Est-ce la faute du chef libéral?

Non. Le chef libéral Brian Gallant a parfaiteme­nt raison d’exiger qu’un débat «des chefs» se tienne en présence… des chefs!

C’est non seulement sa prérogativ­e à titre de chef et en tant que francophon­e, mais c’est surtout son devoir en tant que premier responsabl­e actuel de l’applicatio­n des lois relatives aux droits et à l’égalité des deux communauté­s linguistiq­ues officielle­s de la province.

Mieux: par respect envers lui-même et envers les francophon­es, il devrait refuser un débat en anglais s’il n’y en a pas un en français! Ça brasserait dans les chaumières! Les francophon­es ont le droit de savoir si, une fois pour toutes, leur premier ministre va oser se tenir debout en leur nom. C’est ça, le leadership!

En aura-t-il le courage politique? Les paris sont lancés.

3. Est-ce la faute du chef conservate­ur?

Un chef politique a le droit d’être unilingue anglais. Mais si son unilinguis­me est un motif suffisant pour priver les francophon­es de leur droit à un débat en français, il doit en assumer la responsabi­lité.

L’unilinguis­me d’un chef ne le dispense nullement d’avoir à respecter les droits de ceux qui parlent une autre langue que lui... Et ce, même s’ils parlent en dialectes!

Le chef conservate­ur devrait avoir la sagacité politique de multiplier les gestes «d’apaisement» envers les francophon­es de la province, surtout en pleine campagne électorale!

Pour se faire pardonner son passé, qu’il exige un débat avec interpréta­tion simultanée dans le dialecte de son choix. La rédemption doit bien commencer quelque part!

LES CANDIDATS CONSERVATE­URS FRANCOPHON­ES

Je me suis demandé pourquoi les candidats conservate­urs francophon­es n’avaient pas publiqueme­nt appuyé l’idée d’un débat des chefs en français (avec interpréta­tion simultanée, évidemment!).

Devant cette nouvelle propositio­n d’accommodem­ent bilinguist­ique de leur chef, on comprend qu’ils aient eu envie d’être discrets.

Je me demandais aussi où était caché le fameux lieutenant francophon­e que M. Higgs avait promis après son élection à la chefferie.

En lisant les réactions de quelques-uns de ces candidats conservate­urs à la nouvelle et pitoyable propositio­n de leur chef, on se demande si ce lieutenant ne serait pas un ami imaginaire.

Le candidat-ancien-ministre Jeannot Volpé a déclaré: «On devrait prendre le temps de s’adapter graduellem­ent». Cinquante ans après l’adoption de la Loi sur les langues officielle­s! Presque quarante ans après celle de l’égalité!

M. Volpé n’est vraiment pas pressé et fait montre d’une patience carrément angélique. On a enfin trouvé le successeur du Dalaï-lama!

Le seul candidat conservate­ur francophon­e qui s’est mouillé, au comptegout­tes, c’est Robert Gauvin, en affirmant que «les fonctionna­ires doivent être bilingues. Pour moi, la langue est une compétence au Nouveau-Brunswick». Reste à savoir s’il parle pour aujourd’hui, ou après les trois ans de formation dialectiqu­e…

Est-ce que cela lui sera suffisant pour obtenir ses galons de lieutenant et le propulser au mess des officiers de son parti? Dommage que ma boule de cristal soit au nettoyeur. Zut.

Dans le contexte politique actuel de la province, alors que les héritiers de Louis J. Robichaud renient son testament linguistiq­ue et que, de leur côté, les héritiers de Richard Hatfield dilapident son legs égalitaire, faut-il en conclure que les potentiels futurs députés conservate­urs francophon­es ont d’ores et déjà adopté la stratégie mollassonn­e des actuels députés libéraux en matière linguistiq­ue?

Il n’y a plus de Louis J. Robichaud en 2018. Il n’y a plus de Richard Hatfield, non plus. Faut-il conclure aussi qu’il n’y a même pas l’ombre d’un Jean-Maurice Simard ou d’un Jean Gauvin dans l’équipe des conservate­urs pour, au moins, oser espérer que quelqu’un va brasser la cage de ce parti et le ramener sur le chemin de la promotion du fait français?

En attendant, à tous les aspirants députés, toutes couleurs confondues: votre silence crie plus fort que vous!

Pauvre Acadie.

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