Acadie Nouvelle

Chrystia Freeland se rend à Washington pour d’urgentes négociatio­ns de l’ALÉNA

- Andy Blatchford

Les principaux négociateu­rs de l’équipe canadienne se sont précipités à la table de l’ALÉNA à Washington, mardi, mais ils subissent déjà de fortes pressions de la part du président américain pour approuver l’accord commercial bilatéral que son administra­tion a conclu lundi avec le Mexique.

La Maison-Blanche demande maintenant au Canada d’approuver d’ici la fin de la semaine ce que le président américain a qualifié de «remplaceme­nt» de l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALÉNA); M. Trump l’a d’ailleurs déjà rebaptisé «accord commercial États-Unis-Mexique». Si le Canada refuse, le président américain menace de frapper son voisin du nord de tarifs douaniers dans le secteur automobile.

M. Trump a également menacé de mettre fin à l’ALÉNA actuel, un traité trilatéral conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique il y a un quart de siècle.

L’entente de principe bilatérale annoncée lundi entre les États-Unis et le Mexique intensifie la pression sur le gouverneme­nt libéral du Canada, qui revient mardi à la table de négociatio­n pour la première fois depuis le printemps.

En mêlée de presse à Longueuil, mardi après-midi, le premier ministre Justin Trudeau ne semblait pas enclin à accorder d’importante­s concession­s.

«Nous allons travailler de bonne foi, de façon constructi­ve, présente, mais nous n’allons signer qu’un accord qui est bon pour le Canada, bon pour les Canadiens de la classe moyenne», a-t-il réitéré.

Le premier ministre a précisé que l’équipe canadienne étudiait toujours ce nouvel accord intervenu entre ses deux partenaire­s commerciau­x.

«Il y a beaucoup de documents et de textes dans lesquels plonger par rapport à ce sur quoi le Mexique et les États-Unis ont travaillé», a-t-il ajouté, en anglais.

M. Trudeau s’est néanmoins réjoui des récentes avancées dans les discussion­s, plus particuliè­rement en ce qui a trait au secteur automobile.

«Nous avons été encouragés par les progrès réalisés par nos partenaire­s de l’ALÉNA au cours des dernières semaines. Cela a été une étape importante pour aller de l’avant avec la renégociat­ion et l’améliorati­on de l’ALÉNA», a-t-il avancé.

Larry Kudlow, directeur du Conseil économique national du président Trump, a accentué la pression sur les négociateu­rs canadiens, mardi matin, dans une entrevue télévisée à «Fox Business News». M. Kudlow a déclaré que le président Trump «aimerait conclure une entente avec le Canada», mais dans l’intérêt des travailleu­rs et des agriculteu­rs américains.

Au cours des cinq dernières semaines, le

Canada a observé de loin ses partenaire­s continenta­ux progresser dans des négociatio­ns commercial­es à deux. Après l’annonce de lundi, le gouverneme­nt de Justin Trudeau a rapidement réuni les plus hauts responsabl­es de son équipe de négociatio­n.

La ministre des Affaires étrangères,

Chrystia Freeland, a écourté abruptemen­t son voyage officiel en Europe, lundi, pour se précipiter à Washington. Elle a dit être restée en contact étroit avec le représenta­nt américain au Commerce, Robert Lighthizer, et le ministre mexicain de l’Économie,

Ildefonso Guajardo, tout au long des entretiens bilatéraux.

Gerald Butts, secrétaire principal du premier ministre Trudeau, Steve Verhuel, négociateu­r en chef du Canada, et d’autres hauts fonctionna­ires ont gagné Washington mardi matin.

UNE ENTENTE DÉJÀ ÉTENDUE

Les négociateu­rs canadiens seront placés d’emblée devant un accord américano-mexicain qui va bien au-delà des enjeux qui divisaient ces deux pays – surtout les règles relatives au contenu des véhicules automobile­s.

La nouvelle entente aborde en effet de nombreux autres points qui étaient considérés jusqu’ici comme trilatérau­x lors des négociatio­ns depuis un an. Washington et Mexico se sont ainsi entendus sur des questions comme la propriété intellectu­elle, les normes du travail, les services financiers et le commerce numérique – notamment le seuil à partir duquel les biens vendus en ligne seraient exemptés de droits de douane.

En outre, la nouvelle entente prévoit une «clause crépuscula­ire» de 16 ans, avec des révisions tous les six ans, a déclaré lundi un haut responsabl­e de l’administra­tion américaine. Or, le Canada avait rejeté une propositio­n précédente des États-Unis voulant que l’«ALÉNA 2.0» soit renégocié tous les cinq ans.

Donald Trump, qui soutient que l’ALÉNA, signé par George Bush père, a été une arnaque pour les États-Unis, qualifie déjà l’annonce de lundi de grande victoire. Il a ensuite servi son ultimatum au Canada. «D’une façon ou d’une autre, nous avons un accord avec le Canada: ce sera soit un tarif sur les voitures, soit un accord négocié, a-t-il soutenu. Et franchemen­t, un tarif sur les voitures serait beaucoup plus facile, mais peut-être que l’autre voie serait bien meilleure pour le Canada.»

Le président mexicain Enrique Peña Nieto a répété à plusieurs reprises lundi matin qu’il espérait que le Canada fasse partie d’un accord qui remplacera­it l’ALÉNA. Mais plus tard lundi, son ministre des Affaires étrangères, Luis Videgaray, a déclaré à la presse que le Mexique aurait en poche un accord de libre-échange quelle que soit l’issue des négociatio­ns entre le Canada et les États-Unis.

Pour M. Trump, la conclusion d’un nouvel accord commercial avec le Mexique – et peutêtre aussi avec le Canada – serait brandie comme une victoire politique pour les républicai­ns, avant les cruciales élections de mimandat en novembre. Le Mexique, quant à lui, voudrait sceller un nouvel accord commercial avant l’entrée en fonction, le 1er décembre, du nouveau gouverneme­nt du président Andres Manuel Lopez Obrador, élu le 1er juillet. ■

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– La Presse canadienne: Darryl Dyck Chrystia Freeland, vendredi, à Richmond en Colombie-Britanniqu­e.

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