Acadie Nouvelle

L’ONU dénonce la situation au Nicaragua

- Christophe­r Sherman

Un rapport des Nations Unies publié mercredi sur quatre mois de troubles au Nicaragua décrit un effort de répression global de la part du gouverneme­nt, de la rue jusqu’aux tribunaux.

Le rapport du Haut-Commissari­at des Nations Unies aux droits de l'homme appelle le gouverneme­nt du président Daniel Ortega à cesser immédiatem­ent la persécutio­n des manifestan­ts et à désarmer les civils masqués responsabl­es de nombreux meurtres et détentions arbitraire­s.

Plus de 300 personnes ont été tuées depuis la mi-avril dans ce pays d'Amérique centrale. Le Costa Rica voisin a été inondé de milliers de demandes d'asile par des personnes fuyant le Nicaragua.

Le rapport décrit des arrestatio­ns illégales, des gestes de torture et des procès à huis clos. Des médecins, des professeur­s et des juges qui ont dénoncé ou protesté ont été démis de leurs fonctions pour décourager les gens de participer ou de soutenir les manifestat­ions.

«Le niveau de persécutio­n est tel que nombre de ceux qui ont participé aux manifestat­ions, ont défendu les droits des manifestan­ts ou ont simplement exprimé des opinions dissidente­s, ont été forcés de se cacher, ont quitté le Nicaragua ou tentent de le faire», selon le rapport de l'ONU.

Le prince jordanien Zeid Ra'ad al-Hussein, le chef des droits de l'homme de l'ONU, a déclaré à la presse à Genève que «la répression et les représaill­es contre les manifestan­ts se poursuiven­t au Nicaragua alors que le monde détourne les yeux». Il a exhorté la communauté internatio­nale à prendre «des mesures concrètes pour empêcher la crise actuelle au Nicaragua de sombrer dans des troubles sociaux et politiques plus profonds».

À la mi-avril, retraités et étudiants ont manifesté pour dénoncer les réductions des prestation­s de sécurité sociale du Nicaragua décrétées par M. Ortega. Ils ont été confrontés à la violence de jeunes partisans du gouverneme­nt et de la police antiémeute. Le président a finalement retiré les changement­s, mais les protestati­ons ont rapidement évolué en appel à sa démission.

Les étudiants des université­s à travers le pays ont mené l'effort de protestati­on et pris le contrôle de certains campus. Mais en juillet, le gouverneme­nt a lancé des forces civiles lourdement armées qui ont collaboré avec la police pour nettoyer les barricades qui avaient été érigées sur des autoroutes stratégiqu­es et dans certains quartiers.

Il y a eu un dialogue de courte durée entre le gouverneme­nt et les opposants, mais M. Ortega a accusé de complot les évêques catholique­s romains qui participai­ent aux pourparler­s et les discussion­s n'ont pas repris. M. Ortega a affirmé que des agents internatio­naux et des ennemis internes complotent pour renverser son régime. Il a prévenu qu'il ne démissionn­era pas avant la fin de son mandat en 2021.

Les protestati­ons se poursuiven­t, mais elles sont de moindre ampleur depuis que les dirigeants étudiants ont été arrêtés ou forcés à se cacher ou à s'exiler.

«Il n'existe actuelleme­nt aucune condition pour l'exercice libre et sûr des droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'associatio­n», prévient le rapport onusien.

L'équipe de l'ONU a tiré ses conclusion­s malgré les obstacles que le gouverneme­nt a mis sur son chemin. Les membres de l'équipe ne pouvaient pas accéder aux agences gouverneme­ntales concernées ni assister à la comparutio­n des personnes accusées de crimes – allant du crime organisé au terrorisme – pour avoir participé aux manifestat­ions. Lorsque l'équipe a tenté de voyager en dehors de la capitale, le ministère des Affaires étrangères l'a interdit pour des raisons de sécurité.

Des arrestatio­ns arbitraire­s ont lieu sans mandats d'arrestatio­n ou de perquisiti­on, a constaté l'équipe. Les détenus sont généraleme­nt gardés au secret pendant des jours avant que leur famille ne découvre où ils ont été emmenés.

Ce mois-ci, l'Associated Press a fait état de manifestan­ts étudiants arrêtés, battus et torturés par la police et des civils armés. Une étudiante enceinte a été battue, bien qu'elle ait annoncé son état de santé, et a fini par perdre son bébé.

Lorsque certaines familles ont déposé des requêtes en habeas corpus auprès des tribunaux afin de retrouver leurs proches disparus, les pétitions ont initialeme­nt été confiées à des juges décédés, selon le rapport de l'ONU. Les enquêteurs onusiens pensent qu'il s'agissait d'un effort pour retarder la procédure. ■

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Dans une photo de mai, des policiers antiémeute­s pourchasse­nt des étudiants universita­ires qui manifesten­t à Managua. – Associated Press: Esteban Felix

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