Acadie Nouvelle

Trans Mountain freinée par la Cour d’appel

- Mylène Crête

Le gouverneme­nt fédéral sera propriétai­re de l'oléoduc Trans Mountain dès vendredi parce qu'il s'agit d'un «bon investisse­ment» «dans l'intérêt national», malgré un jugement de la Cour d'appel fédérale qui a mis un frein à l'expansion de cette structure, a confirmé le ministre des Finances, Bill Morneau.

Les actionnair­es de la société Kinder Morgan ont approuvé presque à l'unanimité la vente de l'oléoduc construit dans les années 1950, lors d'une assemblée à Calgary jeudi matin.

Au même moment, la Cour fédérale annulait le décret pour l'expansion de ce pipeline, stoppant ainsi le projet pour une durée indétermin­ée. Elle ordonne à l'Office national de l'énergie (ONÉ) et au gouverneme­nt de reprendre certaines étapes du processus d'évaluation et de consultati­on.

«Nous savons que c'est une bonne décision économique pour les Canadiens, non seulement concernant le pipeline lui-même, mais également pour l'économie au sens large, a affirmé M. Morneau en conférence de presse. Nous irons de l'avant de manière à diminuer les risques, incluant la consultati­on des Autochtone­s et la présentati­on de ce que nous avons fait depuis en matière de protection de l'environnem­ent.»

Le ministre n'a pas voulu indiquer si le gouverneme­nt allait porter la décision en appel devant la Cour suprême. Il révisera d'abord le jugement qui fait plus de 270 pages.

Dans leur décision, les trois magistrats de la cour, sous la plume de la juge Eleanor Dawson, évoquent deux raisons. Ils estiment que l'ONÉ «a commis une erreur cruciale» dans l'évaluation du projet et que le gouverneme­nt canadien a omis «d'engager un véritable dialogue» avec les Premières Nations touchées.

L'ONÉ n'a pas été en mesure de justifier l'exclusion de navires pétroliers dans son évaluation environnem­entale et, par conséquent, d'examiner l'impact de cette circulatio­n maritime sur les population­s d'épaulards du sud de la Colombie-Britanniqu­e. Cette espèce en voie de disparitio­n ne compte plus que 85 individus, selon le Registre public des espèces en péril du gouverneme­nt fédéral.

Le gouverneme­nt Trudeau ne pouvait donc pas se fier aux conclusion­s de l'ONÉ qui recommanda­it l'approbatio­n du projet pour autoriser sa constructi­on, selon la cour.

Elle conclut également que le gouverneme­nt fédéral a mal respecté son obligation de consulter les peuples autochtone­s dans la dernière étape du processus. Le gouverneme­nt s'est contenté de colliger leurs préoccupat­ions sans chercher des mesures d'atténuatio­n.

La Cour d'appel fédérale demande à la fois à l'ONÉ et au gouverneme­nt de corriger ces vices.

L'organisme de réglementa­tion fédéral a Charlene Aleck de la Nation Tsleil-Waututh et Amanda Nahanne des Nations Squamish et Nisga’a célèbrent la décision de la cour, jeudi, à Vancouver. – La Presse canadienne: Darryl Dyck publié une courte réaction sur son site web jeudi. «L'Office apprécie avoir reçu instructio­n du tribunal et prendra le temps nécessaire pour lire attentivem­ent la décision de la

Cour», écrit-il.

VICTOIRE POUR LES OPPOSANTS

Les demandes pour annuler l'achat de l'oléoduc et de son projet d'expansion se sont multipliée­s dans les heures suivant le jugement.

«Le gouverneme­nt devrait y penser à deux fois parce que cette décision invalide ces investisse­ments», a clamé la chef autochtone Judy Wilson, secrétaire-trésorière du regroupeme­nt des chefs de la ColombieBr­itannique.

Pour Greenpeace Canada, le jugement est la preuve que le projet n'ira jamais de l'avant puisque certaines communauté­s autochtone­s le long du tracé ne veulent tout simplement pas du nouvel oléoduc.

«Plus M. (Justin) Trudeau s'entêtera à défendre ce projet-là, plus ça coûtera cher aux Canadiens pour le même résultat au final: il n'y aura pas de projet», a fait valoir son porteparol­e, Patrick Bonin.

«Le gouverneme­nt n'aurait jamais dû acheter cet oléoduc», a déploré à son tour le chef du Nouveau Parti démocratiq­ue (NPD), Jagmeet Singh, en appelant le gouverneme­nt à investir les milliards dollars de la transactio­n dans les énergies propres.

M. Singh espère être élu lors de l'élection partielle à venir dans la circonscri­ption de Burnaby-Sud en Colombie-Britanniqu­e, où il y a une forte opposition au projet.

Il a tenu responsabl­e le gouverneme­nt libéral de Justin Trudeau autant que le gouverneme­nt conservate­ur de Stephen Harper. Les libéraux avaient ajouté en 2016 de nouvelles conditions au processus controvers­é d'examen de l'ère Harper, en attendant le dépôt d'un projet de loi pour une réforme plus exhaustive des évaluation­s environnem­entales. Ces nouvelles exigences incluaient une meilleure consultati­on des peuples autochtone­s.

Le jugement de la Cour d'appel fédérale constitue un «échec personnel de Justin Trudeau», selon le chef conservate­ur Andrew Scheer, qui soutient l'expansion de Trans Mountain.

«Justin Trudeau a dépensé 4,5 milliards $ de l'argent des contribuab­les pour acheter un pipeline qu'il ne peut même pas construire, a-t-il déclaré dans un communiqué. Cette situation est en train de rapidement devenir le scandale le plus coûteux de l'histoire politique canadienne.»

M. Scheer a rappelé que l'oléoduc est «essentiel pour les travailleu­rs des secteurs pétrolier et gazier du Canada» et les «économies régionales» incluant les Premières Nations en faveur du projet qui avaient déjà signé des ententes avec Kinder Morgan.

Le premier ministre de la ColombieBr­itannique, John Horgan, s'est réjoui que l'impact sur la côte du Pacifique devra maintenant être considéré. La ColombieBr­itannique avait joint la contestati­on judiciaire en 2017 après l'entrée en poste du gouverneme­nt néo-démocrate.

Les villes de Vancouver, Burnaby, des Premières Nations et deux groupes d'environnem­entalistes ont contesté en Cour d'appel fédérale la décision du gouverneme­nt Trudeau d'autoriser l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain.

Le projet de l'entreprise texane Kinder Morgan visait à construire un deuxième oléoduc des sables bitumineux de l'Alberta jusqu'au port de Burnaby en ColombieBr­itannique pour pouvoir exporter le pétrole. Ce deuxième oléoduc suivrait le tracé d'un oléoduc déjà existant que le gouverneme­nt a promis d'acheter au coût de 4,5 milliards $ en mai pour mettre fin à une querelle entre les gouverneme­nts des deux provinces et s'assurer que l'expansion puisse aller de l'avant. ■

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