Acadie Nouvelle

Les enjeux du salaire minimum

- Marie Chamberlan­d, présidente Conseil économique du Nouveau-Brunswick

Un des premiers enjeux de la campagne électorale 2018 qui touche de très près les entreprise­s de la province est la question de la hausse du salaire minimum. Le parti libéral a en effet promis que s’il est réélu, il augmentera graduellem­ent le salaire minimum à 14$ l’heure d’ici 2022. Les conservate­urs et l’Alliance du peuple avancent que les hausses du salaire minimum devraient plutôt être liées à l’inflation, alors que le NPD et les Verts affirment que la propositio­n des libéraux n’est pas suffisante et que le salaire minimum devrait plutôt augmenter à 15$ l’heure (NPD) et à 15,25$ (Parti vert).

De prime abord, une augmentati­on du salaire minimum a tout pour plaire. Les augmentati­ons ne coûtent rien au gouverneme­nt et de nombreux électeurs y voient un impact direct positif sur leurs finances personnell­es. Cependant, il en est tout autre pour les entreprise­s et les répercussi­ons possibles sur notre économie sont plus vastes qu’on peut le croire.

Rappelons tout d’abord que les entreprise­s du Nouveau-Brunswick ont déjà assumé 12,5% d’augmentati­ons depuis 2014, soit quatre augmentati­ons du salaire minimum en quatre ans dont la plus récente en avril dernier quand le salaire minimum est passé à 11,25$ l’heure. De façon isolée, de telles augmentati­ons peuvent sembler négligeabl­es, mais elles ont la plupart du temps un effet domino sur les salaires versés à tous les échelons de l’entreprise afin que l’écart entre les salaires continue de refléter les responsabi­lités variées. Les marges de manoeuvre des entreprise­s rétrécisse­nt et les entreprise­s sont contrainte­s à prendre des décisions difficiles pour diminuer leurs coûts.

Pouvons-nous vraiment nous comparer à l’Ontario qui a imposé de fortes augmentati­ons au niveau du salaire minimum? Le coût de la vie en Ontario est plus élevé qu’au Nouveau-Brunswick et, par exemple, selon l’Associatio­n canadienne de l’immeuble, l’indice de prix d’une propriété est de 768 400$ dans le Grand Toronto comparativ­ement à 184 000$ dans le Grand Moncton. La situation économique de l’Ontario n’est donc aucunement comparable à celle du NouveauBru­nswick. Alors, avons-nous les moyens de nous retrouver en tête de liste des provinces canadienne­s pour le salaire minimum quand notre situation économique est plutôt à l’opposé? Nous sommes en droit de nous poser la question à savoir si nous avons les moyens de nos ambitions ou si cette initiative ne fera que décourager nos entreprise­s en démarrage, en période de restructur­ation ou déjà affectée par l’instabilit­é des marchés actuels. Notons quand même l’approche modulée préconisée par l’Ontario avec différents paliers

de salaires minimums selon les secteurs, une option qui pourrait être considérée pour le Nouveau-Brunswick.

Il faut aussi considérer qu’une telle vague influe directemen­t sur l’inflation qui se fera sentir par tous! Les entreprise­s devront se tourner vers diverses mesures pour pallier ce manque et le coût des produits et services risque d’être revu à la hausse. Du coup, la classe moyenne risque de voir sa capacité d’achat affecté. Toutes ces mesures possibles ne favorisero­nt pas la croissance de nos entreprise­s ni, par ricochet, celle de notre province et de notre économie comme le souhaitent les candidats aux élections provincial­es.

Par ailleurs, une augmentati­on du salaire minimum est souvent présentée comme une mesure sociale pour enrayer la pauvreté, un objectif plus que louable. Cependant, des politiques sociales pour réduire les risques de précarité ne seraient-elles pas de meilleures options au ralentisse­ment de la croissance de nos PME? Il faut plutôt miser sur l’éducation, la formation et le développem­ent des compétence­s de notre main-d’oeuvre pour aider notre population à vaincre la pauvreté. Comme nos entreprise­s sont en constante recherche de main-d’oeuvre qualifiée, nous sommes d’avis qu’on doit s’assurer que les études restent une avenue intéressan­te pour

nos jeunes. En outre, mentionnon­s brièvement l’impact que des hausses rapides du salaire minimum pourraient avoir sur nos organismes à but non lucratif, dont les budgets souvent très serrés.

Le Conseil économique du NouveauBru­nswick (CÉNB) ne s’oppose pas à une augmentati­on du salaire minimum prévisible qui reflète l’inflation normale et qui reste cohérente avec les autres niveaux d’échelle salariale de l’entreprise. L’entreprise ne peut se voir être la solution à ce grand problème de société en absorbant une autre taxe. Nos entreprene­urs doivent garder espoir qu’au Nouveau-Brunswick, il est possible de réussir en affaires et qu’on considère que leurs succès contribuen­t comme facteur de solution.

Nous appelons donc les chefs des partis politiques à profiter de la campagne électorale pour dialoguer avec nos gens d’affaires pour discuter des impacts réels de leurs promesses électorale­s sur nos PME et leur croissance. Enfin, nous exhortons le prochain gouverneme­nt qui dirigera notre province à continuer ce dialogue de façon proactive grâce à des échanges fréquents avec la communauté d’affaires. Le CÉNB et ses membres s’engagent à être présents autour de cette table. ■

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