Le paradoxe du gouvernement Gallant
Dans La question du pouvoir en Acadie, Léon Thériault identifie notre grand drame politique: l’Acadie n’a pas de territoire. Et avec cette absence de territoire, vient une absence de représentation politique.
Ainsi, il n’y a aucun élu politique ayant le mandat de représenter l’Acadie. Les institutions de la société civile qui parlent au nom de l’Acadie – on leur répète constamment – n’ont pas la légitimité démocratique des élus siégeant à Fredericton ou à Ottawa. Les institutions canadiennes confinent l’Acadie à ses manifestations culturelles, voire généalogiques, en prenant soin de rendre inopérable toute tentative d’émancipation politique.
Cet étouffement politique permet d’expliquer ce qu’on pourrait appeler le paradoxe Gallant. Ainsi, en principe, les Acadiens sont bien représentés dans ce gouvernement. On l’a à peine remarqué, mais pendant l’essentiel des quatre dernières années, pas moins de 15 des 26 députés libéraux représentaient des circonscriptions à majorité francophone. Au moment d’écrire ces lignes, le cabinet du gouvernement Gallant comptait 16 membres, dont 9 représentaient des circonscriptions à majorité francophone.
Mais pendant quatre ans, le gouvernement Gallant s’est sagement tenu de poursuivre le bien commun acadien. Il s’est permis d’ignorer, voire d’aller à l’encontre de certains de nos consensus politiques les plus forts.
Prenons ainsi en exemple la question de la pleine municipalisation, identifiée comme enjeu prioritaire lors de la dernière Convention de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, en 2014. Malgré des efforts héroïques de l’Association francophone des municipalités du N.-B., ce dossier a très peu progressé au cours des quatre dernières années, faute de leadership gouvernemental.
Autre exemple: les privatisations en santé. Malgré une opposition unanime de la société civile acadienne, le gouvernement Gallant a choisi d’aller de l’avant avec le transfert de la gestion du Programme extra-mural et de Télé-Soins des régies régionales de la santé à Medavie, une entreprise privée à but non lucratif.
On pourrait multiplier les exemples en pointant du doigt pratiquement chaque ministère. On peut reprocher au gouvernement Gallant son manque de leadership, mais ce sont nos institutions politiques qui invisibilisent l’Acadie. ■